Trois ans après son dernier sacre en Liga, le Real Madrid a repris la couronne lors d’une saison inédite fortement bouleversée par la crise sanitaire mondiale. Réguliers par moments et fébriles dans d’autres, les Madrilènes sont passés par plusieurs humeurs durant ces onze mois de compétition.
Après les plaies ouvertes de la saison dernière, tant sur le jeu comme sur les résultats, l’idée générale était que le Real Madrid devait faire table rase de la génération qui l’a mis sur le toit de l’Europe durant trois saisons consécutives entre 2016 et 2018. Le retour de Zidane à la tête de la maison immaculée était accompagné d’un grand discours de révolution. Une révolte, qui est arrivée là où on ne l’attendait pas. Avec son groupe de vétérans renforcé de quelques recrues, le technicien français a de nouveau brisé l’hégémonie du Barça sur le championnat espagnol. Un 34e titre soulevé dans un rush incroyable de dix victoires consécutives dans la trame finale.
La révolution tactique et mentale
Il avait tout à perdre. Après un premier passage couronné de succès, Zinedine Zidane a accepté de revenir sur le banc d’un Real Madrid, qui digérait mal la période la plus glorieuse de son histoire récente. Le Français est revenu au mois de mars 2019, terminant une saison catastrophique au niveau du jeu et des résultats. Une troisième place en Liga, une élimination précoce en huitième de finale de la Ligue des Champions et une lourde défaite face au Barça en demi-finale de la Coupe du Roi. Alors que tout le monde s’attendait au grand nettoyage durant le mercato d’été, Zidane a fait ce qui est de plus naturel. Il ne fait aucun doute qu’un renouvellement d’effectif doit se faire naturellement.

Le Real Madrid a certes injecté du sang neuf dans son effectif, avec les recrutements de Luka Jovic, Ferland Mendy, Rodrygo et d’Eden Hazard, mais ça n’a rien changé sur la confiance que Zidane a montrée à sa vieille-garde. Le changement notable a été la quasi-disparition de Marcelo du onze au profit du jeune latéral français. Sinon, l’ossature de l’équipe était composée des vétérans de la première guerre, renforcée par un Thibaut Courtois décisif dans la seconde partie de la saison, un Mendy plus défensif que Marcelo et un généreux Fede Valverde durant la première partie de la campagne.
Toutefois, le plus grand mérite ne se trouve pas dans cette confiance qu’il a accordée à ses cadres. Il est nécessaire de rappeler que le Real Madrid des trois ligues des champions n’était ni l’équipe la plus organisée au niveau tactique, ni la plus rigoureuse lorsqu’il s’agissait de défendre. C’était une équipe avec un punch extraordinaire dans les moments décisifs, raison pour laquelle, elle n’échouait jamais en finale. Cependant, dès les premiers mois de sa prise de fonctions, Zizou savait pertinemment que ce scénario n’était plus utile pour reconquérir l’Espagne.

Le Real a remporté cette Liga, un trophée qu’il avait du mal à toucher durant cette dernière décennie (troisième titre après ceux de 2012 et de 2017, NDLR). Il l’a réalisée grâce à des valeurs qu’il aurait été difficile d’imaginer qu’elles pourraient émerger de cette équipe. Une discipline tactique illustrée par un pressing haut, qui demandait plus de responsabilité de la part des joueurs, mais surtout plus d’efforts. Dans le développement du jeu, l’équipe a beaucoup moins couru sur les contre-attaques que les années précédentes pour deux raisons : effectuer un repli défensif rapide et appliqué, et limiter les erreurs dans les zones vulnérables.
« Que devons-nous faire après deux mois de confinement ? Tous les concepts d’entraînement sont brisés. Donc la réponse était la créativité. Il ne fallait pas inventer juste pour inventer, mais penser autrement. Nous avons constaté que les joueurs avaient besoin de fraîcheur mentale, alors nous avons travaillé cet aspect. Tout le monde pense que nous avons misé sur le physique, non, c’était sur le mental ».
David Bettoni, l’entraîneur adjoint, explique comment le Real a préparé la reprise de LaLiga après le confinement. (Source : Marca)
Mais avant de penser à cet aspect mental dans la dernière ligne droite du championnat, Zidane a d’abord assuré sa solidité défensive Ensuite, les attaques en transition qui ont été l’une des plus grandes forces de son équipe avec Vinicius, Rodrygo et Benzema, soutenus par Valverde ou Modric. L’héritage du grand Real de Cristiano Ronaldo, remodelé avec une bonne assise défensive, a été l’idée de Zizou pour remporter cette Liga. Toutefois, tout n’a pas été parfait, mais c’était largement suffisant face à des rivaux directs, qui n’ont pas réalisé une saison satisfaisante.
Entre doute et régularité
Bien évidemment, la route vers le titre n’a pas été un long fleuve tranquille. Avec l’arrêt du championnat pendant plus de deux mois à cause de la crise sanitaire, il fallait que l’équipe garde la volonté et la motivation d’aller chercher le sacre. Mais avant cela, la pré-saison a été le premier obstacle, avec un Real Madrid pas au niveau et qui a subi une humiliation (7-2) face à son voisin et rival rojiblanco. Une préparation avec des résultats insuffisants sur le terrain, mais aussi dans une ambiance délétère au niveau du mercato. Le recrutement ne répond pas aux attentes de certains et les cas Bale et James n’ont pas facilité la tâche à Zidane.
Deux joueurs indésirables qui finalement resteront toute la saison dans la maison blanche. Si le cas du Gallois semblait prendre une bonne tournure lors de la première journée face au Celta, la suite de l’aventure n’a pas été heureuse à cause de ses prestations moyennes et son attitude dans le groupe. Madrid prenait ainsi ses premiers points à Vigo à la suite d’une victoire qui laissait entendre que la pré-saison n’était qu’un problème de cohésion et de remise de niveau.
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Tout de suite, les doutes se sont installés après deux matchs nuls consécutifs, d’abord à domicile contre Valladolid (1-1) et puis à l’extérieur contre Villarreal (2-2). Le premier gros test de la saison en Liga a été réussi au Sánchez-Pizjuán le 22 septembre grâce à un petit but de Karim Benzema (0-1). Le Real montrait déjà qu’il savait souffrir pour gagner. Une qualité d’un futur champion. Mais la succession des événements n’a pas été en faveur de l’équipe. Dans un premier temps, la cinglante défaite (3-0) trois jours plus tôt en ouverture de la Ligue des Champions contre Paris commençait à faire grincer les dents au niveau de la direction.
« J’aimerai bien continuer ; en ce qui concerne mon avenir, demandez à quelqu’un d’autre ».
À la Une de AS le 22 octobre, jour du match contre Galatasaray en Ligue des Champions. Zidane jouait son avenir dans le chaudron d’Istanbul (Source : Diario AS)
D’ailleurs, le parcours en phase de groupes de la Coupe d’Europe n’a pas été convaincant. Malgré la bonne assise défensive qui se dessinait, le Real semblait limité en attaque. Luka Jovic, la recrue annoncée comme le concurrent de Benzema avait des problèmes d’adaptation. Quant à Hazard, ses quelques kilos de trop et les blessures ne l’ont pas aidé même s’il a fait quelques belles prestations sur les seize matchs qu’il a disputés. Cette latence offensive a été bien illustrée lors de la courte défaite à Mallorca avec une équipe impuissante face au promu des Baléares.
Le Real a dû se racheter quelques jours plus tard face à Galatasaray en Ligue des Champions avant d’entrer dans une phase de solidarité et de solidité. Parfois dominateur, parfois dans l’abnégation, comme ce nul arraché le 15 décembre dans les ultimes secondes au Mestalla (1-1). Parfois tenu par des bouts de ficelle, comme la courte victoire un mois plus tard à Valladolid sur une tête de Nacho (0-1), les merengues ont fait durer de 15 matchs une série d’invincibilité en Liga, dont un point pris au Camp Nou (0-0), une victoire sur l’Atlético (1-0) et avec seulement 7 buts encaissés durant cette période.

La même période a aussi montré une attitude de groupe dans lequel personne n’a épargné une course et l’effort a été total dans la poursuite du bien commun. La victoire en Supercoupe d’Espagne contre l’Atlético de Madrid en janvier a été l’exemple d’un sens du sacrifice de Valverde. Alors que l’équipe semblait être dans sa plénitude, quelques contre-performances ont rouvert le débat sur son réel niveau : la défaite en quarts de finale de la Coupe du Roi à domicile contre la Real Sociedad (1-4), celle contre Levante (1-0) et contre Manchester City (1-2) à seulement quelques jours de la réception du Barça.
Un clásico gagné non sans difficulté, mais qui a montré que physiquement, le Real Madrid de Zidane était au-dessus de ses adversaires. Une puissance physique qui lui a permis de maintenir un rythme effréné à la reprise du championnat après l’arrêt imposé par la pandémie du coronavirus. Une série de dix victoires d’affilées dans une dernière ligne droite qui se jouait tous les trois jours. Des succès notables, comme celle contre Valence, difficiles comme face l’Athletic, mais aussi dans la souffrance comme à Granada.
Benzema en patron
Le Real a gagné LaLiga avec un total de 87 points et 70 buts marqués. Ce n’est pas la meilleure saison en terme de chiffres, mais il a été l’équipe la plus régulière avec seulement trois défaites concédées dont aucune à domicile. Une régularité qui s’est reposé sur une défense solide qui n’a encaissé que 25 buts, le plus faible du championnat. Une arrière-garde menée par le duo Ramos-Varane et aussi par un Thibaut Courtois qui est monté en puissance au fil des mois. Les performances de Ferland Mendy, la recrue qui a donné le plus de satisfaction cette année, y ont fortement contribué, même si dans le couloir droit, Carvajal a retrouvé sa plénitude dans la période post-covid.
Au milieu, Modric, souvent utilisé de manière latérale, a permis de construire le jeu avec plus de propreté et, surtout avec très peu de pertes de balle. N’oublions pas aussi les excellentes performances de Casemiro et de Kroos, mais aussi de Vinicius dans certains aspects du jeu ainsi que la révélation de la saison Rodrygo Goes. Les deux Brésiliens ont par moment soutenu Benzema, qui a su créer un duo séduisant avec Eden Hazard pendant les rares moments qu’on les a vu jouer ensemble.
Le Français, lieutenant de Ronaldo quand le Portugais faisait trembler les filets, s’est mué en patron de l’attaque madrilène. Déjà la saison dernière, dans les marécages de la transition post-Cristiano, Benzema était l’un des joueurs qui avait donné le plus de satisfaction dans une équipe du Real méconnaissable. Il a encore prouvé son statut de leader de l’attaque cette saison avec ses 21 buts marqués. Sans aucun doute, le titre du Real Madrid est l’une des grandes œuvres de Benzema. L’attaquant, tant critiqué ces dernières années pour le peu de buts qu’il marque, a signé une saison fantastique. Il est difficile de chercher le mot football dans le dictionnaire et que Karim Benzema n’y apparaisse pas. Un joueur particulier, souvent incompris, mais qui reste après tout celui qui a le plus grand impact dans l’histoire récente du Real Madrid.
Zidane a mené son groupe vers le titre qui lui tient le plus à cœur. En dépit des polémiques qui ont émaillé la fin de saison en raison d’un arbitrage jugé favorable à son équipe, il s’était préparé pour remettre le Real au sommet de l’Espagne. Lui qui a souvent l’habitude de dire que LaLiga est la compétition la plus difficile a peut-être vécu la campagne la plus compliquée de sa carrière d’entraîneur. Raison en est la petite larme d’émotion tirée le soir du sacre. L’émotion était vive, mais la saison n’est pas encore terminée. Après dix jours de repos, Madrid devra se remettre au travail pour surmonter un autre obstacle : le huitième de finale retour de la Ligue des Champions.