Rubiales dans la tourmente : crise en vue à la Fédération ?

L’actualité de ces dernières semaines se résume évidemment à la crise du Covid-19 qui paralyse le monde entier. En Espagne, comme dans la quasi-totalité des pays du monde, le football professionnel et amateur est à l’arrêt. Luis Rubiales, président de la Fédération Espagnole, critiqué de toutes parts, tente tant bien que mal de gérer cette crise alors qu’une véritable crise institutionnelle semble se profiler.

En ce moment, la RFEF (Fédération Espagnole, NDLR), LaLiga et l’AFE (Syndicat des Joueurs, NDLR) essuient les critiques concernant leur incapacité à collaborer dans des temps aussi difficiles que celui que nous traversons où l’unanimité se fait attendre. Le drame se ressent plus particulièrement autour de Luis Rubiales. L’actuel président de la RFEF ne semble pas être dans la meilleure posture pour aborder les élections qui auront lieu, au plus tôt, fin mai. Impliqué dans des affaires qui dégradent son image, Rubiales tente d’apporter du nouveau dans le football espagnol. Des changements qui divisent en Espagne et qui le fragilisent encore un peu plus, lui, et surtout la Fédération qui donne l’impression d’être également en difficulté.

Roja : Luis Rubiales "con dos cojones" - Furia Liga
Le bilan de l’Espagnol à la tête de la Fédération reste très mitigé (crédit : FuriaLiga)

Des changements pour sauver les meubles ?

Luis Rubiales l’a très bien compris, il ne part pas favori pour remporter les prochaines élections à la présidence de la Fédération. C’est son adversaire principal, Iker Casillas, qui est montré largement en tête dans les sondages. Pour inverser la tendance, Rubiales veut apporter divers changements concernant le football espagnol. Sachant qu’il n’a plus rien à perdre, il souhaite tenter le tout pour le tout.

Commençons par évoquer les deux principales réformes de son mandat à savoir celle de la Copa Del Rey mais aussi de la SuperCopa qui ont toutes les deux pris effet lors de cette saison 2019/20.

La réforme de la coupe nationale a plu aux amateurs de football notamment grâce à la suppression des matchs aller-retour, sauf en demi-finale, et aussi en instaurant que ce serait désormais l’équipe de la plus basse division qui jouera le match chez elle, devant son public. Alors qu’à l’heure actuelle il ne reste plus que la finale à disputer, les médias et supporters espagnols tirent un bilan positif de cette première réforme. Certains ont vu en cette réforme un retour aux valeurs du football qui mettait en avant les équipes les plus modestes. Effectivement, les gros ont chuté dans cette compétition, si bien qu’en demi-finales, nous comptions trois équipes de Primera (Real Sociedad, Granada & l’Athletic) et même le CD Mirandés, équipe de deuxième division. Vous l’avez remarqué, ni le Real, ni le Barça, ni l’Atlético ou ni le Valencia CF n’étaient là, tous éliminés auparavant. Symbole d’une réforme qui aura redonné de l’enjeu à une compétition parfois trop souvent délaissée…

Mirandes: Who are the Plucky Underdogs in the Copa del Rey Semi ...
Les joueurs du CD Mirandés célébrant leur qualification pour les demi-finales après avoir battu le Villarreal CF, le Sevilla FC ou encore le Celta (crédit : 90min)

En revanche, la réforme de la SuperCopa est nettement moins bien passée. Premièrement, c’est le format que Luis Rubiales a décidé de changer en incluant quatre équipes au lieu de deux : le vainqueur de Copa et son finaliste ainsi que le vainqueur de Liga et son dauphin. Beaucoup de médias ont critiqué ce nouveau format qui rajoutait des matchs en janvier, mois où les calendriers sont réputés pour être relativement chargés. Ce qui a également fait tâche, c’est le lieu où s’est déroulé la compétition, à savoir en Arabie Saoudite. Le pays du Golfe Persique a versé 120 millions d’euros à la RFEF pour accueillir la compétition jusqu’en 2022. Inutile d’expliquer qu’il fut difficile, voire impossible, pour les aficionados espagnols d’aller au stade pour voir jouer leur équipe aussi loin de leurs terres.

Un peu plus dans l’actualité, ce qui fait couler beaucoup d’encre et qui fait débatt en ce moment, c’est la récente proposition, cohérente pour certains, loufoque pour d’autres, visant à envoyer le finaliste de Copa del Rey en Europa League. Revenons plus en détail sur cette proposition.

Récemment, les membres de la Fédération se sont réunis afin d’établir une liste des sept équipes espagnoles qui iront en Europe si jamais la saison de Liga est annulée. La RFEF a alors décidé de prendre en compte le classement actuel qui enverrait quatre équipes en Ligue des Champions et trois en Europa League. C’est là où Luis Rubiales veut changer les choses et a proposé d’envoyer le finaliste de Copa en Europe si jamais son vainqueur y est déjà qualifié par le biais du championnat. Si jamais la saison en cours est annulée, cela signifierait que dans tous les cas l’Athletic serait en Europe la saison prochaine, puisque la Real Sociedad est déjà virtuellement qualifiée en Ligue des Champions, et ce quelque soit la résultat de la finale.

Corona Virus Outbreak makes the Copa Del Rey Final waver
Luis Rubiales posant devant le trophée de la Copa, en compagnie de Jokin Aperribay (président de la Real Sociedad) et Aitor Elizegi (président de l’Athletic) (crédit : Eng News 24)

En somme, qualifier le finaliste de Copa reviendrait à supprimer une qualification potentielle via la septième place du championnat qui était synonyme de barrage pour accéder à l’Europa League. Toujours actuellement, c’est le Valencia CF qui en ferait les frais. Il reste désormais à savoir si Rubiales souhaite appliquer ce changement uniquement pour cette saison, si elle est annulée. Rien ne dit que ce changement ne sera pas définitif au cours des futures saisons. Pour cela, il faudra très probablement se mettre d’accord avec LaLiga, ce qui ne sera pas chose facile.

Le natif de Las Palmas aura également aidé les clubs des plus basses divisions dans cette crise du Covid-19 en leur apportant des aides financières. Nous noterons aussi qu’il a œuvré, au début de saison, dans l’histoire des horaires en Liga en s’opposant à ce que des rencontres soient jouées le vendredi et le lundi. Finalement, c’est une balle au centre puisque seuls les matchs du vendredi ont été maintenus. Ceux du lundi ont disparu, au plus grand désarroi de son collègue Javier Tebas.

Des accrochages trop fréquents avec Tebas qui le décrédibilisent

Ce n’est pas nouveau, Javier Tebas, président de LaLiga, et Luis Rubiales ne s’entendent tout simplement pas. Les deux hommes n’hésitent pas à se tacler de temps en temps sur divers sujets où ils sont très souvent en opposition, comme sur l’affaire des matchs du vendredi et lundi ou bien encore, plus récemment, en ce qui concerne la reprise du championnat. Une polémique qui enfle en Espagne et qui fait chuter la côte de popularité des deux dirigeants.

Lors d’une réunion entre le Syndicat des Joueurs, la RFEF et LaLiga, il y a peu de temps, les avis divergeaient. Selon les médias, une fois le championnat repris, la Fédération souhaitait faire jouer toutes les 72 heures et LaLiga toutes les 48 heures. Le but étant de boucler rapidement la saison, tandis que l’AFE demandait de meilleures conditions pour les joueurs. Entre accusations et diffamations, les communiqués des institutions ont fusé en se rejetant la faute et en niant les faits reprochés.

LaLiga Santander: The war between Tebas and Rubiales | MARCA in ...
Luis Rubiales et Javier Tebas, deux hommes que tout oppose (crédit : Marca)

Pour couronner le tout, Luis Rubiales a enregistré et divulgué publiquement les échanges au cours de cette réunion. De quoi remettre de l’huile sur le feu quand l’AFE et LaLiga déclarent ne pas avoir été informés qu’ils étaient enregistrés alors que la Fédération affirme les avoir prévenu… Dans cette affaire, le Syndicat des Joueurs a peu existé, acceptant un coup les 48 heures proposées par Tebas, puis se disant obligé d’accepter les 72 heures de Rubiales. La situation en est donc au point mort.

« Les audios révèlent ce que l’AFE et la Liga voulaient cacher […] En aucun cas ils n’ont été manipulés ou biaisés, comme l’affirme encore une fois LaLiga à tort sans fournir aucun type de preuves »

Luis Rubiales taclant une nouvelle fois LaLiga et assurant que ces audios étaient réels (Mundo Deportivo)

Bien d’autres « petits riens » ont été une source de conflits entre Javier Tebas et Luis Rubiales. Le président de LaLiga s’est d’ailleurs dit surpris que la Fédération n’ait pas pris en compte son avis lorsqu’elle a choisi d’envoyer le finaliste de Copa en Europe, comme évoqué plus haut. Une guerre quelque peu enfantine qui semble ne pas avoir de limites.

Des accusations qui empirent la situation

En plus de cette mésentente avec LaLiga, Luis Rubiales n’est pas au bout de ses peines. En effet, au début du mois d’avril, il a été accusé d’avoir falsifié des documents concernant les futures élections à la présidence de la RFEF. Ces documents, dont on sait peu pour le moment, semblaient avoir un lien sur le nombre de personnes éligibles à voter à la Fédération et auraient pu avoir une influence directe sur le résultat de l’élection. Une affaire qui pourrait bien mettre fin aux espoirs de réélection de Rubiales…

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Suite à cette affaire, Rubiales et son avocat comparaîtront à Madrid le 21 mai prochain (crédit : 20Minutos)

Dans son mandat, l’Espagnol s’est aussi décrédibilisé avec l’ingérence des cas Lopetegui et Moreno. Le premier avait été démis de ses fonctions de sélectionneur à seulement deux jours de l’entrée en lice de l’Espagne au Mondial 2018… pour s’être engagé en tant qu’entraîneur du Real Madrid sans en avoir informé Luis Rubiales.

Et concernant Robert Moreno, histoire plus récente, il avait été renvoyé pour céder sa place à Luis Enrique. Pour rappel, l’ancien coach du Barça avait décidé de quitter son poste de sélectionneur en juin 2019, en raison du décès de sa fille. Il avait été remplacé par son adjoint, auteur de très bons résultats, jusqu’en novembre 2019, qui avait déclaré qu’il était prêt à faire un pas de côté pour qu’Enrique revienne.

En fin d’année dernière, il est renvoyé sans réel motif au lieu de reprendre son poste d’adjoint. Enrique justifiera son licenciement en affirmant qu’il avait trouvé Robert Moreno trop «ambitieux» et qu’il y voyait quelque chose de «déloyal». De son côté, Rubiales avait été soupçonné d’avoir pris une décision sportivement incohérente. Deux dossiers mal gérés qui restent en mémoire des Espagnols, rallongeant la liste des polémiques autour de ce dernier.

Robert Moreno totalise un total de quatre victoire en six matchs (crédit : futbol.com)

Tourmenté, Luis Rubiales désire donc apporter de la nouveauté dans le football espagnol pour, peut-être, essayer d’inverser la tendance grâce à un gros coup de poker et de virer en tête aux élections. Néanmoins, son mandat assez mitigé et ses problèmes en interne nuisent à son image et à celle de la RFEF. Pas toujours exemplaire dans ses fonctions, Rubiales semble avoir perdu la confiance du football amateur en Espagne et donne une trajectoire inquiétante au crédit de la Fédération. C’est également ce que l’on pourrait associer à un début de crise lorsque l’on voit l’accumulation d’histoires fâcheuses qui s’abattent sur la RFEF. Face aux critiques que les institutions essuient, et plus particulièrement la RFEF, le moment de réorganiser l’organigramme du football espagnol est peut-être arrivé…