[DOSSIER] Athletic : Elizegi, deux ans de présidence et un fiasco institutionnel

L’Athletic Club traverse peut-être l’un de ses moments les plus difficiles au cours des dernières années. Les résultats en berne, l’absence de public à San Mamés, et la mauvaise gestion d’une direction rendent nerveux et inquiets les supporters basques. Alors que cette particulière année 2020 s’achève, le président du club, Aitor Elizegi, et sa Junta, célèbrent, ce 27 décembre, les deux ans de leur arrivée à la tête de l’entité rojiblanca par le biais de l’Assemblée Générale des socios et dans un climat alarmant de crise.

Si les résultats sont préoccupants en terres basques, supporters et médias savent que cette dynamique peut assez rapidement s’inverser. Gaizka Garitano, l’entraîneur, est dans la tourmente depuis plusieurs mois pour son manque de remise en question dans ses choix et tactiques et est pris pour responsable principal de la crise sportive de l’Athletic. Plusieurs pistes de remplaçant semblent évoquées, comme Marcelino, mais la véritable inquiétude de l’afición réside dans le secteur directionnel, bien plus difficile à faire évoluer. Entre incompétence et mensonges des dirigeants, l’image d’un club historique comme celui des Leones s’est dégradée, et sa gestion inquiète. D’abord masqués par des résultats plutôt bons, à l’heure des difficultés sportives, les responsables de ce marasme sont plus clairement identifiés et pointés du doigt. Le bilan du mi-mandat d’Aitor Elizegi semble donc plus que contrasté, si ce n’est décrié.

Un président élu sur le fil, des contestations prévisibles

En décembre 2018, le 27 plus précisément, dans une campagne présidentielle serrée, Elizegi est donc élu pour les quatre prochaines années à la tête de l’Athletic Club. L’homme qui occupe aussi un poste de chef cuisinier en dehors de son temps dédié au football, remporte les élections de justesse, en glanant 9264 votes. Son adversaire, Alberto Uribe-Echevarría, ancien membre de la précédente direction, est battu par seulement 85 votes de différence, accumulant ainsi 9179 voix. Les socios basques étaient donc déjà très divisés en cette fin d’année 2018.

Aitor Elizegi, Athletic Clubeko presidente berria | Athletic Club
Dans un contexte particulier, se déroule ce 27 décembre 2020, l’Assemblée Générale des socios de l’Athletic. Aitor Elizegi est attendu au tournant par les supporters… (crédit photo : Athletic Club)

Et pourtant. La division, c’est ce qu’il fallait éviter à tout prix. L’enjeu majeur de cette élection est de relever l’entité vizcaína, désunie. La situation sportive y était devenue instable depuis un moment, influencée par les divergences institutionnelles. Après une dernière décennie brillante, sous la présidence de Josu Urrutia (président de l’Athletic de 2011 à 2018, NDLR), où l’Athletic a rayonné sur le plan national, en atteignant à plusieurs reprises la finale de Copa et même en remportant la SuperCopa en 2015, mais aussi sur la scène européenne. La finale de 2012 en Europa League, ou la mythique qualification en Champions, en 2014, semblent déjà bien lointaines.

Même si tout n’a pas été parfait durant ce double-mandat, l’évolution économique du club bilbayen et de ses résultats sportifs a globalement été bien plus que satisfaisante. Seulement, la fin de la direction Urrutia a connu plusieurs difficultés et notamment lors de cette saison 2017-18, où l’Athletic échouera à la seizième place du classement, également éliminé en huitièmes de finale de C3. Peu de temps avant l’appel au vote, le président sortant annonce qu’il ne sera pas candidat. Ce scrutin s’annonçait donc crucial et décisif entre un candidat, Aitor Elizegi, aspirant à un renouveau, et un autre, Alberto Uribe-Echevarría, dans la continuité de la présidence Urrutia, réussie mais ternie sur sa fin.

Plusieurs points figurent alors dans le programme du natif de Bilbao. La création d’une grada de animacion (à l’image de celle de Anfield) pour les supporters est un projet colossal très attendu. Elizegi prévoit aussi de faire grandir le club évidemment, le défendre, le développer économiquement et par son image. Repenser la philosophie de recrutement du club, ce qui intrigue le public, maintenir la confiance en Lezama (le centre de formation, NDLR) et développer ses infrastructures. Enfin, son ambition se traduit aussi par la volonté de vouloir supprimer les clauses libératoires au sein de l’effectif Zurigorriak.

Athletic: Elecciones a la presidencia en un mes | Marca.com
Certains fans du club regrettent déjà la politique de Josu Urrutua, seulement deux ans après son départ (crédit photo : Marca)

Ces élections étaient donc censées amener un vent de fraîcheur dans le club basque, tout en prolongeant la prospérité et la notoriété acquise au cours de son histoire et ces dernières saisons. Le président a d’ailleurs fait le choix de faire équipe avec Rafa Alkorta en tant que directeur sportif, ex joueur mythique de l’Athletic Club en défense centrale. Mais, en réalité, qu’en est-il vraiment ? Derrière la difficulté sportive connue à l’heure actuelle, se trouve une réalité inquiétante que tente de masquer une direction, plus que dispersée dans sa gestion.

Une Junta désorganisée et plus divisée que jamais

En temps de crise, les résultats sont la préoccupation principale dans du moment à l’Athletic. Si certains supporters estiment que la direction ne fait pas tout son possible pour tenter de les corriger, ils sont devenus plus inquiétants au cours des derniers mois. L’année 2019 a été satisfaisante sous Garitano, arrivé seulement quelques semaines avant la nouvelle direction. En revanche, en 2020, une spirale sportive plus compliquée s’est installée. Et très vite, étant déjà présents avant cette période difficile mais en nombre moins conséquent, les doutes concernant la responsabilité de la direction dans cette mauvaise spirale se sont accentués. Un temps masquées par les bons moments du club, les erreurs de l’institution sont dévoilées « au grand jour » désormais. Pourtant, depuis leur arrivée à la tête du club, Aitor Elizegi et ses collègues semblent peu avoir apporté à l’Athletic. Au contraire, beaucoup de choses semblent leur échapper.

Gestion du cas Garitano, de l’unité à la zizanie

La situation de Gaizka Garitano en tant qu’entraîner de l’Athletic fait évidemment couler beaucoup d’encre dans les journaux, surtout ces derniers temps. Si l’entraîneur a été défendu brillement par les supporters, voire même encensé par moments, lors de sa première année sur le banc basque, la tendance a changé. Comme évoqué précédemment, l’année 2020 a été particulière mais également synonyme d’un grand échec sportif pour l’Athletic. Hormis cette précieuse place en finale de Copa, qui doit toujours être disputée, obtenue en mars, le bilan est mitigé, peut-être même décevant. Pourtant, ce parcours remarquable dans la Coupe Nationale fera l’objet d’un élément important dans le futur du coach bilbaíno, peut-être même trop important.

Mai 2019, l’Athletic rate l’Europe de très peu. Les Lions perdent leur septième place qualification pour l’Europa League à la 38e journée de la saison, lors d’un revers à Sevilla, lourd à encaisser. Mais cette saison aurait pu être totalement différente puisqu’au premier tiers de la saison, les joueurs rojiblancos siégeaient à la dix-huitième place du tableau. Avec l’arrivée de Garitano, les choses vont changer. L’équipe pratique un football plus agréable, les joueurs sont plus sereins, la connexion entre les différents éléments de l’équipe se fait plus aisément tandis qu’une solidité défensive redoutable s’installe. Au terme de cet exercice positif, il en convient unanimement que Gaizka Garitano doit être prolongé. La direction n’hésite pas, les supporters approuvent : le Bilbayen voit son contrat être étendu jusqu’en juin 2020.

Aitor Elizegi "Aduriz And Lezama Always Sounds Good To Me" - Inside Athletic
Gaizka Garitano, entouré de Rafa Alkorta (à gauche) et Aitor Elizegi (à droite), lors de sa prolongation de contrat jusqu’en 2020 (crédit photo : Inside Athletic)

Aitor Elizegi, président mais aussi représentant et porte-parole du reste de la direction, affirme à maintes reprises que sa volonté est de poursuivre avec Garitano aux commandes de l’Athletic pour un long moment, si ce n’est jusqu’à la fin de son mandat. Le président, l’entraîneur et le directeur sportif, Rafa Alkorta, se vouent un respect mutuel et affichent un esprit de collaboration inébranlable au quotidien. Un temps saluée, cette très forte entente entre les principaux acteurs du club est discutée chez certains supporters aujourd’hui.

A la fin 2019, Garitano ne déçoit pas et justifie sa prolongation par de très bons résultats, le club étant situé dans la partie haute du classement à la mi-saison. La saison avance plutôt bien. Mais alors que 2020 débute, l’Athletic n’est plus le même. De décembre 2019 à mars 2020, les Basques ne gagneront aucun match de Liga. Pire même, une spirale néfaste de 10 matchs consécutifs sans victoire s’installe. Déjà naissantes, en très faible nombre, auparavant, les critiques envers Gaizka Garitano s’accentuent. Le coach fait des choix incompréhensibles, s’obstine à faire jouer les mêmes joueurs, délaisse la vivacité de la jeunesse, s’enferme dans ses principes et laisse de côté plusieurs des composants talentueux de son effectif. Face à un manque criant de questionnement de sa gestion, le coach est désormais sous le feu des critiques. En quelques mois, la situation a complètement changé et les voix demandant le renvoi de l’entraîneur sont de plus en plus nombreuses.

En championnat, l’Athletic ne retrouvera la victoire que le premier mars, en s’imposant contre Villarreal, avant de confirmer grâce à un large succès à Valladolid, une semaine après. En tout cas, après cette première période vraiment compliquée, il semble bien trop tôt, du point de vue de la direction pour prendre une décision forte, d’autant plus que la saison est encore loin d’être achevée.

Gaizka Garitano "We Are In The Fight For Europe" - Inside Athletic
Dans ses déclarations, Garitano agace également les supporters en faisant parfois preuve de fatalisme et de résignation face à la difficulté, et en remettant la faute sur ses jeunes joueurs (crédit photo : Inside Athletic)

Si la situation est délicate en championnat, la Copa permet de souffler pendant ce temps. Après avoir passé les deux premiers tours avec succès, l’Athletic connait des difficultés par la suite. Contre Elche, en seizièmes de finale, puis contre Tenerife, en huitièmes de finale, les Leones se qualifient avec difficulté, en passant par une séance de tirs au but. De retour à San Mamés, l’entité de Bilbao va reprendre confiance et sortir le Barça en quarts avant de s’offrir Granada en demi-finales aller, mais en tremblant au retour. Malgré une défaite (2-1) chez les Andalous, l’Athletic se qualifie à l’issue d’une rencontre dans laquelle il aura été submergé. Souffrance, certes, mais la place en finale de Copa est là, d’autant plus qu’il s’agit du rival historique en face, la Real Sociedad.

La stupéfaction est grande au sein des observateurs de l’équipe basque. Comment afficher une solidité assez intéressante en coupe mais s’effondrer à ce point en championnat ? Entre décembre et mars, l’Athletic ne triomphe plus en Liga mais, lors des matchs en semaine, fait le travail en Copa. La direction ne cherche pas d’explications et s’empresse simplement de féliciter Garitano. Au sein des aficionados, l’allégresse d’un tel parcours est présente sur les visages. Mais la grande majorité des supporters n’oublie pas cette crise dans laquelle l’Athletic a souffert et qui semble loin d’être résolue, même si l’institution semble mettre de côté cette période. Dans un nouvel élan, les Leones sont interrompus par l’arrêt des compétitions en mars, en raison de la pandémie.

Jusqu’à la mi-juin, le football ne reprendra pas ses droits en Espagne. Les supporters, eux, ne savaient pas encore à cette période qu’ils ne retourneraient plus dans les stades d’ici la fin de l’année. La finale de Copa a, pour honorer les supporters des deux clubs basques, été reportée et la date est vacante. La Liga reprend donc quand l’été approche, mais également quand la fin officielle de la saison 2019/20 s’annonce, au 30 juin.

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Le huis clos, l’une des conséquences de cette pandémie, pénalise fortement un club comme l’Athletic, proche de son public (crédit photo : AP News)

Mais alors, que faire pour Garitano qui voit la date de fin de son contrat approcher ? Les opinions sont multiples. Finalement, la direction fera le choix de le prolonger jusqu’à l’été 2021. L’arrivée en finale de Copa joue en la faveur du technicien. La Junta estime, peut-être trop naïvement, que Garitano doit pouvoir disputer cette finale, étant le responsable principal de la qualification pour cette ultime rencontre du tournoi. De plus, la volonté de poursuivre le projet avec Garitano parmi les dirigeants est intacte.

Certains supporters sont plutôt satisfaits de cet acte mais d’autres sont perplexes. Une partie des fans peu en accord avec ce choix estime que l’entraîneur devait cesser de diriger la formation basque, quand l’autre se montre plus modérée. Leur volonté était de prolonger l’entraîneur jusqu’en juillet et d’aviser, une fois arrivé à cette date, que faire, en se basant principalement sur une une éventuelle qualification en Europe. A cette période, la division est déjà forte au sein des amoureux du club même si la direction semble alors être sur une même longue d’onde.

Finalement, l’Athletic décevra et achèvera la campagne à la onzième place. Durant cette période particulière de football entre juin et juillet, le jeu de l’équipe est qualifié de « préhistorique » par des journalistes. La colère en dehors de San Mamés monte. Pourtant, lors d’une conférence de presse pour dresser le bilan de l’exercice, Alkorta qualifie d' »impeccable » le travail de Garitano, déchainant ainsi l’incompréhension et l’agacement de supporters, fatigués du manque d’exigence au sein du club.

Pendant ce temps, le président est porté disparu. Après avoir tenu une conférence de presse avant la reprise du championnat, faisant notamment le point sur le fonctionnement du club à venir dans cette période de crise, Elizegi n’apparait plus. Aucune trace du président qui, hormis une intervention réclamant un arbitrage plus rigoureux à la suite d’un match polémique contre le Real Madrid en juillet, ne prendra pas la parole pour faire un compte-rendu de la situation. Pour quelques journalistes et supporters, Garitano est l’objet de communication du club. Le coach est acclamé, vanté et mis en avant par Alkorta et Elizegi lorsque les résultats sont bons mais se retrouve esseulé pour faire face aux critiques.

La Junta est fragilisée par les critiques, pointée du doigt. Garitano, lui, est certes reponsable des mauvais résultats mais n’est pas celui qui dirige le club ni celui qui prend les décisions. S’il est encore en poste à l’issue de cette saison, c’est parce que les dirigeants l’ont voulu. Difficile de manifester physiquement son mécontentement en période de crise sanitaire, les stades étant fermés et les manifestations interdites.

Alors, les supporters improvisent et font des réseaux sociaux leur moyen de lutte principal. Les tweets demandant la démission de la direction et le renvoi de Garitano fusent, certains dénoncent la politique de Elizegi tandis que les hashtags de colère se multiplient au milieu des nostalgiques de la belle époque, quand d’autres refusent de céder à l’agitation et maintiennent tant bien que mal leur foi et leur optimisme envers leur club de cœur. Ces différents comportements agacent les uns et les autres, estimant que certains en font trop ou pas assez en se montrant trop respectueux de l’institution. Dans ce profond désaccord, le glorieux Athetic d’il y a quelques années ne semble être plus qu’un vague souvenir.

Le compte @laa_mus, sur Twitter, qui analyse au détail la situation institutionnelle du club, figure comme référant dans le domaine et ses propos forts ne manquent pourtant pas de souligner la véracité d’une situation bien plus inquiétante qu’elle n’y parait.

« Nous avons un directeur sportif avec une sérieuse allergie à l’effort, un amoureux du show business, de la posture et de l’arrogance, un ennemi du travail acharné et de la préparation, avec une responsabilité et un salaire bien supérieur à ses capacités. Il est incapable de donner le niveau minimum requis pour le football professionnel de haut niveau »

Critique envers le directeur sportif, Rafa Alkorta

« Garitano n’est pas le principal responsable de la détérioration de l’image subie par le club. Il n’est pas le premier responsable du sentiment actuel de manque de confiance dans le projet que représente ce club. Gaizka n’est pas celui qui a généré cette aura de discrédit et de médiocrité qui entoure actuellement l’Athletic. Gaizka n’est pas la personne censée définir la stratégie à court, moyen et long terme de l’équipe »

Remise en question profonde du projet sportif du club

« Il faut rappeler que nous avons un président spécialiste du dessin de scénarios flous, où le leadership brille par son absence, en vivant trop confortablement avec des mensonges, et des fausses promesses, en idéalisant la situation […] et en contribuant à générer de l’incertitude à chaque fois qu’il prend la parole »

Aitor Elizegi n’est pas épargné par les reproches, lui non plus
El cocinero que venció a las dudas, el 'aval' del PNV y la Ley del Deporte:  así es Aitor Elizegi, el nuevo presidente del Athletic - elEconomista.es
La politique menée par Aitor Elizegi va bien plus loin que celle de l’aspect sportif, toute une gestion intere est concernée (crédit photo : El Economista)

Dans cette première partie de saison 2020/21, le chaos s’installe. Le contenu proposé par la formation de Garitano s’appauvrit davantage, combiné à une efficacité offensive moindre et à une solidité défensive moins impériale qu’auparavant. Après huit matchs, au début du mois de novembre, la situation est au plus mal. Si l’Athletic a déjà été dans le rouge avant la trêve d’octobre en ne gagnant que très peu, l’équipe vient de s’incliner à Valladolid, qui n’avait toujours pas gagné de la saison, juste avant la trêve de novembre.

Quatorzième à ce moment, Garitano sait qu’il est menacé et qu’il a perdu une immense majorité de la confiance et même du respect des supporters. Même la direction, qui l’avait toujours soutenue jusqu’à présent, commence à se diviser. Le tacticien bénéficie toujours du soutien des membres principaux du conseil mais ne fait clairement plus l’unanimité. Les supporters réclament un changement d’entraîneur pour profiter de la trêve mais la direction fait le choix de donner un ultimatum à Garitano contre le Betis.

L’ancien entraîneur de la SD Eibar se retrouve alors dans la contrainte d’accorder de la confiance aux jeunes. Pour se sauver, Garitano remodélise son XI et vainc la formation bética avec la manière. Les enseignements sont nombreux. Une partie de ces remaniements sera conservée, ayant définitivement convaincu Garitano mais certains choix restent inexplicables. La disparition de joueurs de qualité comme Unai López ou Jon Morcillo et l’inutilisation de profils talentueux comme ceux de Ibai Gómez ou Iñigo Vicente laissent les supporters perplexes et consternés, obligés de supporter cette gestion exécrable de l’effectif.

Debuts en el Athletic Club en 2020 | Athletic Club
L’Athletic reste cependant un club basé sur son centre de formation malgré les particularités de chaque entraîneur au club (crédit photo : Athletic Club)

A la fin de cette année 2020, Garitano est toujours en poste et finira l’année, avec un derby contre la Real Sociedad, prévu le 31 décembre. Au vu du calendrier difficile qui attend les Leones début 2021, il est difficile d’annoncer un possible scénario concernant le futur du banc zuri-gorriak. Malgré les différents ultimatums reçus, le Bilbayen tient bon jusqu’à présent.

Les réunions de la Junta sont de plus en plus nombreuses et ses défenseurs disparaissent petit à petit. Mais au milieu de cette discorde qui prend de l’ampleur, le maillon fort de cette direction, représenté par Alkorta et Elizegi, est inflexible et affiche continuellement son soutien à l’entraîneur.

La saison avance, avec la SuperCopa en approche à la mi-janvier, et Garitano est toujours là, résistant tant bien que mal à la pression et à l’environnement extérieurs au club. Critiques et dénonciations s’accumulent. L’Assemblée Générale se tient ce dimanche 27 décembre 2020 et une partie des socios promet de faire bloc à la gestion de la présidence de Aitor Elizegi.

Le mercato, un chantier raté qui tourne au ridicule

L’Athletic Club n’est pas l’équipe la plus active au mercato. Depuis les massives arrivées de 2018 et le départ de Kepa, le club n’a que très peu recruté. Cette direction s’est donc peu employée dans le domaine des transferts. Et pourtant, le peu qui a été effectué dans ce secteur de la gestion s’est révélé être laborieux, voire même ridicule.

Deux semaines après son arrivée à l’Athletic, la direction officialise le retour de Ibai Gómez en provenance du Deportio Alavés. A la fin de ce mois de janvier 2019, le club signe Kenan Kodro. L’avant-centre arrive de Copenhague, totalement inconnu du public rojiblanco.

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Kenan Kodro, enlacé par Ibai Gómez, lors de son premier but en tant que lion (crédit photo : Deia)

Aujourd’hui, la rentabilité de ces deux transferts est plus que décriée. Chouchou du public pour son brillant passé chez les Basques, Ibai est inutilisé par Garitano, ne disposant d’aucun temps de jeu. Les supporters estiment que le faire revenir a été une profonde erreur. Abattu par les blessures, l’ailier ne figure pas dans les plans du staff.

Kenan Kodro vit également une situation plus ou moins similaire. L’attaquant est bosniaque de nationalité mais est originaire de San Sebastián, et donc éligible à défendre les couleurs du club basé à San Mamés. Son temps de jeu est également très maigre et l’ancien joueur de Copenhague doit se contenter de miettes.

Mais les erreurs ne s’arrêtent pas là. En juillet 2019, l’équipe féminine s’offre les services de l’Allemande Bibiane Schulze Solano. Selon les supporters, la joueuse ne complète pas tous les critères la permettant d’intégrer le club. Certains vont même à faire des recherches sur sa généalogie, afin de vérifier la véracité de ses origines basques. Cet accrochage à la philosophie du club fait tâche.

Enfin, lors de cet été 2020, dans une forte tourmente institutionnelle, l’Athletic se voit dans l’obligation d’apaiser les esprits et enregistre la venue de Álex Berenguer. L’ailier débarque en provenance du Torino et voit enfin son transfert devenir officiel, après avoir été l’objet de multiples rumeurs estivales au cours des dernières saisons. Le prix de douze millions d’euros parait beaucoup trop important pour certains supporters mais l’objectif est aussi de ramener un élément capable de relancer l’équipe. Lors de ses premiers mois, l’ailier originaire de Navarre semble plaire mais doit encore prouver davantage.

Álex Berenguer debuts as a lion | Athletic Club
L’ailier apporte sa technique et sa vitesse pour diversifier l’attaque des Leones (crédit photo : Athletic Club)

L’Athletic est donc un club qui vit surtout grâce à son centre de formation plutôt qu’aux transferts. Et pourtant, ce chantier raté ne s’arrête pas là et a été d’une incompétence inquiétante au cours de l’été 2020. Rumeur principale du mercato estival, le dossier Javi Martínez a fait beaucoup parler. En plus des supporters divisés par son retour, les médias aussi étaient désunis. En août et septembre, les médias allemands annoncent que le retour du milieu est imminent et que le Bayern a trouvé un accord avec l’Athletic pour le montant du transfert.

Les médias basques partagent un point de vue opposé. Après avoir dans un premier temps déclaré le retour de Javi Martínez comme proche plutôt dans l’été, les journaux déclarent ensuite que le joueur et le club ne trouvent pas d’accord sur le salaire. Une partie du public zuri-gorriak s’impatiente dans ce dossier et s’agace du ridicule qu’offre le club dans la presse. Petit à petit, l’illusion prend fin tandis que le milieu semble éteindre les doutes sur son futur en octobre et restera bien à Munich cette saison, avant d’y achever son contrat en 2021.

Lors des ultimes jours du mercato estival, la rumeur Fernando Llorente naît du côté de Bilbao. L’attaquant du Napoli est surveillé par l’Athletic, selon la volonté de Garitano qui se plaint de manquer de buteurs et, à priori, de celle des joueurs. Jusqu’à la clôture du marché des transferts, la venue du joueur du Napoli semble possible tandis que, là encore, les supporters ne sont pas tous du même avis. Au final, l’ancien joueur de l’entité basque ne reviendra pas. A ce moment, la capacité de gestion de Elizegi et Alkorta est fortement critiquée.

Dans les jours suivants, les informations d’un transfert raté tombent face à des supporters qui s’indignent de voir une Junta tant incompétente. La presse basque relaie le lendemain que le transfert aurait été gratuit, le joueur serait arrivé librement : le problème n’était donc pas économique, contrairement à ce que le club avait tenté de faire croire auparavant. Alors qu’une grande partie de la direction était favorable à signer Llorente, seulement trois membres ont fait bloc. On apprendra également que ces trois personnes n’occupent pas les fonctions les plus importantes au club. Une poignée de membres serait donc dominante face à la majorité incarnée par le directeur sportif, le président, le staff et les joueurs ? Un profond sentiment d’incompréhension s’installe au sein de l’afición.

Le scandale s’intensifie début octobre. Le lendemain de la fermeture du mercato, Rafa Alkorta présente Berenguer aux médias et n’évite pas les questions sur Llorente ainsi que sur son avenir. Si le directeur sportif déclare ne jamais avoir pensé à démissionner malgré cet échec, il informe les journalistes que ce sont les joueurs qui ont demandé à signer Llorente et que lui s’est ensuite activé sur le dossier sans pour autant parvenir à le boucler. La raison officielle s’apparente à « une décision du club ». Vague réponse pour des fans qui ne supportent plus cette situation.

Mais les aficionados ne sont pas au bout de leur peine. Deux jours plus tard, après quatre moi d’absence médiatique, le président est attendu en conférence de presse pour aborder divers points. Interrogé sur le cas Llorente, le président s’emmêle les pinceaux face aux journalistes et donne une version différente du déroulement du scénario que celle livrée par Alkorta.

Présent parmi le public, le directeur sportif s’en prend au journaliste posant la question. Après avoir ouvertement reconnu le mardi que les joueurs avaient sollicité le directeur sportif pour avancer sur le dossier Llorente, Alkorta nie en bloc et s’aligne sur la version de son président. Ce jeudi 8 octobre, lors de la conférence de presse de Elizegi, le Basque s’offusque et se contredit : « Je n’ai jamais dit que les joueurs avaient demandé la signature de Llorente ». Parmi supporters, la stupeur est immense face à un scénario aussi ridicule tandis que l’image du club se dégrade dans les médias. Le mercato a été le synonyme d’un vrai fiasco et le reflet d’une incapacité à collaborer au sein de la direction.

Des lacunes de communication importantes

La communication est également l’un des grands défauts de cette présidence. A plusieurs reprises, les socios apprennent la création de projets par le biais des médias avant de l’apprendre par le biais du club, officiellement. Le média basque El Correo est qualifié par certains supporters comme « l’outil de propagande » de Elizegi. Le journal est proche du club et publie des informations que les fans estiment qu’ils n’auraient pas dû connaître. Plus généralement, les fuites dans la presse sont courantes.

Les compositions d’équipes sont parfois connues plusieurs jours avant le match tandis que le récent projet de rénovation du centre d’entraînement a d’abord été présenté dans les journaux avant de l’être par le club. Néanmoins, le club semble avoir progressé au développement de ses réseaux sociaux (Twitter, YouTube…) avec la création de contenu innovant mais doit davantage informer ses supporters et socios des décisions qui sont prises. Directeur de la communication, Niko Cuenca y est pour beaucoup dans ce dossier et s’affiche souvent comme la proie des critiques.

Récemment, une partie des supporters accusait Elizegi d’avoir menti dans la dossier Javi Martínez en grossissant l’affaire. Lors du retour de la presse à Lezama en septembre, une vidéo n’a pas échappée aux supporters. Tandis qu’un journaliste filme brièvement l’entraînement des joueurs, s’entend en fond une personne dire : « Nous avons pensé que si dans Marca vous alimentiez le dossier, nous pourrions vous donner… ». Très vite, on comprend qu’une personne du club demande à évoquer fortement la rumeur du retour du milieu du Bayern à l’Athletic dans le quotidien espagnol. Fait commun dans beaucoup de clubs, certes, mais qui agace le public basque.

El segundo examen de Aitor Elizegi ante los socios llega en el momento más  delicado | Athletic | Naiz
Promesse de campagne, la communication de la présidence Elizegi est un raté total pour le moment (crédit photo : Naiz)

Les supporters ne sont pas les uniques victimes de ces erreurs de communication. Les joueurs sont aussi concernés. C’est le cas de Markel Susaeta, qui a quitté le club en fin de contrat à l’issue de la saison 2018/19. Capitaine du club et emblème historique, la direction ne communique aucune information au joueur sur son futur au cours de la saison. Dans le flou complet durant plusieurs mois, le joueur voit son temps de jeu diminuer aussi à cause de son niveau avant d’organiser une conférence de presse d’adieux dans laquelle il finira en pleurs.

Un an plus tard, l’histoire se répète. En fin de contrat le 30 juin 2020, Beñat et Mikel San José ne sont pas tenus au courant de leur avenir. Les deux joueurs souhaitent prolonger mais le club reste très longtemps muet sur ce sujet. Au final, les deux joueurs publieront fin juin une carte dans laquelle ils expliquent qu’ils ont accepté de prolonger jusqu’à la fin de saison, en juillet, mais sans toucher de salaire. Le club leur garantira seulement une assure en cas de blessure. Le club, lui, communiquera de façon officielle une semaine après que les deux joueurs resteront. C’en est trop pour des supporters qui estiment que ces deux joueurs historiques ont été insultés par le club. Le divorce entre la direction et le public se consomme de plus en plus.

INSIDE I The tribute to Beñat and San José | Athletic Club
Beñat et San José, lors de leur denier match à San Mamés (crédit photo : Athletic Club)

Mikel San José déclarera par la suite : « Il s’est passé des choses que je préfère ne pas commenter. Chacun sait quel rôle il a joué dans cette affaire ». Le milieu est évidemment pleinement soutenu par les supporters.

En conférence de presse, en plus de l’évènement Llorente évoqué auparavant, le club se ridiculise davantage. Lors du bilan de fin de saison 2019/20 organisé par Alkorta en juillet 2020, le scandale s’aggrave. Le directeur sportif déclare d’abord que le club ne peut rien entreprendre avec des joueurs pour qui il faudra payer un transfert, en raison de la difficile situation économique.

A cette période, le club suit, selon les rumeurs, la situation de Merquelanz, joueur talentueux de la Real Sociedad à qui il reste un an de contrat. Interrogé sur l’intérêt du club, le directeur sportif ne sait pas si le joueur qu’il suit a prolongé et demande à l’attaché de presse du club.

Par la suite, le ridicule se poursuit lorsque Alkorta se montre incapable de citer les joueurs qui feront la pré-saison avec l’équipe première ou en faisant erreur sur les données des contrats de certains de ses joueurs. Questionné sur la rentabilité des transferts de Ibai Gómez ou Kenan Kodro, le directeur sportif ironise de la situation de ces joueurs en les qualifiant de « transferts stars ». La conférence de presse s’achèvera sur une remarque de Alkorta, souhaitant ironiquement de bonnes vacances aux journalistes avec peu de classe.

En novembre dernier, les supporters font part de leur mécontentement d’une manière particulière. Certains suiveurs du club ont payé des Mariachis, des chanteurs mexicains, pour venir danser et chanter devant Ibaigane (bureaux de la direction de l’Athletic, NDLR). Une partie des supporters ne partage pas ce mouvement car l’image de leur club est moquée et ridiculisée, une fois de plus. Au fil du temps, l’Athletic semble perdre cette image de respect et de sérieux qu’il possédait, entre la mauvaise gestion du club et l’impatience du public basque.

Du positif dans une gestion plus que discutable ?

Malgré l’échec assez visible de ces deux premières années de mandat, Aitor Elizegi a réussi à changer le club de façon assez positive dans certains secteurs mais ce renouveau de bonne augure est maigre. L’Athletic a réalisé le bon coup de l’été en nouant un partenariat avec Antiguoko pour le développement de la formation des jeunes. Antiguoko est l’un des 154 clubs agréés à l’Athletic dans ce secteur et était, jusqu’à cet été, partenaire avec son rival historique, la Real Sociedad.

Le club avance aussi sur un projet très attendu qui doit être voté lors de l’Assemblée Générale. La direction de l’Athletic a pour but de réaliser une grada de animación, tant réclamée depuis des années, ce que l’on qualifierait de kop en France. Un projet qui plait, d’autant plus à un public réputé pour sa capacité à mettre le feu aux tribunes et à créer une ambiance remarquable. Si le projet est approuvé, il devrait accueillir plus de 2000 supporters dans la Tribune Nord en 2022. Néanmoins, plusieurs divergences ont lieu car l’occupation de certains groupes de supporters dans le stade est menacée et ces derniers pourraient être contraints de se déplacer à un autre emplacement. Les supporters pointent ici l’unilatéralisme de Elizegi qui ne semble pas tenir compte de ces groupes qui s’opposent à ce projet.

Perturbée par la crise économique, la situation financière de l’Athletic ne se dégrade pas pour autant. L’entité basque dispose de ressources importantes qui s’appliqueront principalement sur le long-terme. Le média Foot Espagne dresse d’ailleurs la situation financière de l’équipe rojiblanca, au cœur d’enjeux importants dans la situation du club et de cette Assemblée Générale.

Enfin, la tendance de la politique Elizegi vise aussi à revoir le statut de certains joueurs au sein de l’équipe. Depuis sa campagne électorale, le président de l’Athletic déclare qu’il veut retirer les clauses libératoires des contrats des joueurs de l’effectif. Il faut dire que l’idée plaît du côté de San Mamés. Retirer les clauses libératoires permet au club et aux joueurs de rester liés et d’afficher un lien de soutien et de respect mutuel. Sans clause, un joueur ne peut partir que si le club accepte une offre ou qu’un accord est trouvé pour la rupture d’un contrat.

Dans un club où les bons joueurs se doivent d’être préservés, au vu de la politique de recrutement qui ne permet pas de recruter et vendre n’importe comment, cette mesure semble aller dans le sens des supporters. A l’heure actuelle, sept joueurs n’ont pas de clause libératoire. On retrouve des pièces importantes de l’effectif dans cette liste comme Iker Muniain, Unai Simón, Unai Núñez, Raúl García et des joueurs qui incarnent les valeurs du club. C’est le cas de Ibai Gómez, Mikel Balenziaga et Óscar De Marcos, attachés aux couleurs bilbaínas. Plusieurs projets et bonnes intentions sont donc évoqués à l’Athletic, mais infériorité en comparaison des évènements qui ont contribué à discréditer l’image du club.

La mi-mandat de Aitor Elizegi se déroule donc dans un environnement anxiogène et de tension, combiné à une crise sanitaire qui n’épargne personne. Aujourd’hui, nombreux sont les supporters qui se sentent trahis par cette Junta. Ceux qui jugeaient les paroles de Elizegi comme trompeuses en 2018 constatent qu’ils avaient vu juste. Les multiples erreurs de cette direction et sa gestion affligeante dégradent l’image du club mais sont aussi un frein aux résultats sportifs d’un club au passé riche et historique, entourés de supporters parfois nostalgiques et en quête de cet ancien temps brillant. Socios et supporters se devront de prendre leur mal en patience en attendant les élections que Elizegi a annoncé à l’issue de la fin 2021/22. En attendant, les supporters les plus motivés s’empressent de dénoncer la politique de la direction et l’option d’une motion de censure à l’encontre de cette Junta n’est pas encore réellement évoquée. Les prochains mois seront décisifs, tant sportivement que institutionnellement dans un club qui semble être à la dérive et dans la difficulté pour se relever.