Economie : LaLiga face à la concurrence

Les années passent et les étoiles s’en vont. C’est ainsi qu’est souvent vu le championnat espagnol à mesure que les fenêtres estivales se succèdent : les départs de Neymar, puis Cristiano Ronaldo et encore plus récemment Lionel Messi ne font que renforcer ce sentiment. Cependant, la réussite sportive avec les titres européens remportés en C3 par le Sevilla FC et Villarreal ainsi qu’en C1 avec le Real Madrid relèvent un caractère compétitif toujours présent.

Nous allons ici nous intéresser à la situation économique de LaLiga via les différentes activités de ses clubs sur les précédents mercatos, puis nous dresserons un comparatif économique detaillé visant à mettre en relief ses différences avec autres membres du « big five ». Il est important de préciser que les données que nous utilisons proviennent exclusivement de LaLiga elle-même.

Evolution des investissements et ventes, et bilans économiques en Liga

Le graphique ci-dessus nous présente les bilans économiques (achats, ventes, balances) des sept derniers marchés des transferts estivaux.

À l’instar de toute la société, les clubs espagnols ont terriblement souffert de la pandémie, c’est ce qui ressort principalement de cette analyse avec des chiffres en constante hausse avant 2020. Les dépenses avaient plus que doublé sur la période 2016-2019 avec des recettes qui elles aussi ont progressé de la même manière, avant de plonger à partir de l’été 2020 puis de s’effondrer en 2021 une fois les pertes établies. Ce n’est que depuis cette fenêtre estivale que les chiffres semblent repartir à la normale avec des sommes légèrement supérieures à celles du début d’étude. Le marché s’est écroulé à hauteur d’environ 80% sur les deux variables prises en compte entre 2019 et 2021, un trou colossal quand on sait à quel point l’économie du mercato est importante pour les clubs.

L’actuelle reprise peut s’expliquer par deux facteurs évidents. Le premier est à mettre à l’initiative du deal CVC dans le cadre de LaLiga Impulso. Et le second est lié aux deux géants, restés en compagnie de l’Athletic Club en dehors de l’accord, avec tout d’abord le Real Madrid et sa stratégie de sobriété qui lui a permis de maintenir ses comptes à flot puis de pouvoir investir, ainsi que du Barça et ses leviers économiques qui n’ont pas manqué de faire couler beaucoup d’encre. Tout ceci évoluant dans le cadre de la reprise économique globale qui a également été permise par l’assouplissement puis la levée des restrictions sanitaires.

LaLiga et Premier League, rivaux économiques au fonctionnement bien différent

La grande rivale de LaLiga est bien sûr la Premier League et ses contrats astronomiques qui
garantissent à ses clubs une puissance économique sans égale. En marge de cette influence qui en devient même prédative au fil des saisons, on notera que le modèle espagnol est inconstablement plus sain comme le démontre cette statistique comparant les pertes cumulées sur les 5 exercices de 2016/2017 à 2020/2021 entre Espagnols et Anglais avec un taux presque 12 fois supérieur chez ces derniers. Plus choquant encore, les clubs de deuxième division anglaise affichent des pertes nettes plus de 58 fois supérieures à celles de leurs homologues espagnols !

En ce qui concerne les investissements nets réalisés sur les joueurs sur la même période, on constate une différence plus de 3 fois supérieure côté anglais en prenant toujours en compte les deux premières divisions des deux pays. Malgré des pertes nettes profondément inégales, la différence entre les investissements des deux premières divisions n’est même pas doublée en faveur des Anglais, ce qui nous amène au troisième point de ce document : « l’équité ».

Ce troisième indicateur met en lumière la contribution totale des actionnaires dans leurs clubs (grossièrement, « combien le boss remet dans la caisse »). La différence est, là encore, sans appel avec 277M d’euros pour LaLiga Santander contre 2376M d’euros pour la Premier League, soit 8.5 fois plus. LaLiga présente le total le plus bas face à ses voisins anglais, italiens, français et allemands. Cette statistique sert à confirmer que le modèle espagnol est bien plus autosuffisant que celui de ses concurrents, elle démontre aussi que l’outrageuse domination britanique n’est possible que par la présence directe des propriétaires des clubs et non pas de ce qu’ils peuvent générer eux-mêmes. Sujet visiblement moins médiatique que certaines « palancas« …

Un retour progressif à la normale pour le marché espagnol grâce à un contrôle strict


Enfin, toutes ces informations nous permettent de mieux comprendre les bilans des mercatos dans les 5 marchés les plus puissants d’Europe au cours des deux dernières saisons. Alors que l’Espagne affichait le bilan le plus faible en terme de dépenses à l’été 2021, elle est remontée d’une place en 2022, doublant l’Allemagne précédement troisième. Les investissements ont presque doublé et la balance avec les ventes s’est réduite de 18M d’euros en l’espace d’un an. Le contrôle financier très strict en vigueur jouant pour beaucoup dans cette évolution. À titre de comparaison, le football anglais affichait une balance négative de 620M d’euros en plein Covid et a même doublé ce déficit cette saison avec un bilan négatif presque aussi élevé que les seules dépenses des clubs de LaLiga avant la pandémie ! Sans les investissements massifs du FC Barcelone et de son rival madrilène pour Aurélien Tchouaméni, le résultat des autres clubs combinés ressort en positif.

Pour conclure, on peut donc voir que la pandémie n’a pas ébranlé le système de LaLiga malgré les pertes occasionnées. En présentant la plus faible part d’augmentation de capitaux parmi ses clubs, elle confirme que son modèle, souvent ignoré et critiqué, est en réalité le plus « fair-play » parmi ses concurrents.