Euro 2020 : L’Espagne et la crainte d’une nouvelle déroute ?

Attendu depuis des mois de par sa notoriété sur le continent, et même à l’échelle mondiale, le coup d’envoi de cet Euro atypique est enfin arrivé, censé célébrer ce qui se devait d’être l’édition centenaire de la compétition. Capital, cet évènement est attendu de pied ferme en Espagne, sans ignorer les dangers inquiétants qui pèsent au dessus de sa sélection.

La Roja est à l’aube d’un défi bien plus que sportif, qui compte aussi pour son honneur. Redorer le blason après l’humiliation de 2014 et les échecs de 2016 et 2018, toutes marquées par la transition avec la génération dorée qui a inscrit son nom dans les livres d’histoires. Néanmoins, cette période de changements ne semble pas entièrement achevée aujourd’hui et maintient l’Espagne dans une position instable avant d’affronter la Suède, la Pologne et la Slovaquie en phase de poules de l’Euro. C’est avec de l’envie qu’une sélection largement rajeunie par rapport aux précédentes tentera de briller à nouveau, sous la houlette de Luis Enrique, entre espoirs et craintes. Entre nécessité de triompher et crainte d’un nouvel échec…

Un contexte de préparation angoissant

Difficile de trouver un contexte plus anormal que celui que le football connait depuis une année désormais. Reporté, cet Euro a tout d’une édition qui ne sera pas comme les autres, même jusque dans les sélections. L’Espagne fait partie de ces équipes dont les journalistes ont beaucoup parlé depuis quelques jours. Et pour cause, l’ensemble du staff technique et des joueurs Roja ont dû être placés à l’isolement après que Sergio Busquets ait été testé positif. Chose d’autant plus inquiétante que la nouvelle tombait seulement deux jours après l’amical disputé face au Portugal, terminé sur un terme match nul et vierge.

Réunie depuis le 31 mai avec une liste de 24 joueurs, sur la limite des 26 autorisée par l’UEFA, la convocation de l’équipe nationale espagnole a complètement été chamboulée. La Fédération attend de voir l’évolution du rétablissement du milieu barcelonais, tout en sachant que les chances de pouvoir compter sur le joueur semblent minimes mais pas inexistantes.

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La convocation de la Roja effectuée par Luis Enrique pour cet Euro (crédit photo : @SeFutbol)

Dès lors, plusieurs mesures ont été prises et 6 joueurs ont été contraints de paralyser leurs vacances pour rejoindre l’expédition à Madrid, afin uniquement de se joindre aux entraînements de la sélection parallèlement. Ainsi, Brais Méndez, Carlos Soler, Rodrigo, Pablo Fornals, Raúl Albiol et Kepa ont répondu favorablement à Luis Enrique. Aussitôt, des entraînements de manière individuelle ont été instaurés, malgré la répétition de tests négatifs de la part du reste de l’équipe. On apprendra toutefois dans la nuit du mercredi 9 juin que Diego Llorente a également été testé positif, obligé de quitter momentanément la concentration à son tour, dans un chaos absolu. Deux jours plus tard, les médias de communication officiels de la Roja communiqueront que le défenseur central de Leeds était faux positif, ayant été testé négatif sur les derniers tests PCR réalisés, et serait réintégré au groupe.

Assiégée par les médias, la Selección a dû composer avec un environnement oppressant et presque insupportable par moment. Il faut dire que la formation de Luis Enrique était en proie aux critiques depuis plusieurs jours de par l’unanimité qu’elle génère fortement sur les terres ibériques. La bulle sanitaire et médiatique, presque sacralisée tant elle est importante pour les sportifs, n’aura pas eu l’effet désiré, perturbant ainsi le rythme de préparation de l’Espagne. En effet, la mise en isolement de l’ensemble de La Furia a eu des conséquences sur le match amical programmé contre la Lituanie, le mardi 8 juin. Cette rencontre a finalement été disputée par les joueurs de l’équipe U21, mais officiellement sous le titre de la sélection nationale absolue ! En plus de nombreux records qui sont tombés, le score a surtout été le reflet de la qualité d’une sélection talentueuse, victorieuse 4-0 de la formation lituanienne.

Au final, ces 6 joueurs ont été rejoints par 11 autres en provenance de la sélection U21 pour maintenir les entraînements individuels en parallèle, en prévision d’autres détections de cas positifs. Il faut préciser que l’Espagne aura jusqu’au début de la compétition pour prendre une décision sur le cas de Busquets, et éventuellement le remplacer. La volonté de Luis Enrique et de la sélection est en tout cas de tout mettre en œuvre pour pouvoir compter sur celui qui est le capitaine de l’équipe durant l’Euro. Une fois substitué de la liste officielle, un joueur ne pourra plus participer durant le reste du tournoi. Susceptibles de faire une croix sur ce qui est parfois perçu comme un rêve à tout moment, joueurs et staff font logiquement preuve d’une nervosité nuisible à la préparation de la sélection, aussi source de tensions internes. Pour couronner le tout, la sélection suédoise annonçait de son côté la détection de deux cas positifs à moins d’une semaine d’affronter l’Espagne.

La liste des 17 joueurs ayant travaillé en parallèle de la Roja durant cette préparation à l’Euro (crédit photo : @SeFutbol)

Pendant ce temps, le Ministre de la Culture et des Sports espagnol est monté aux créneaux pour soutenir les joueurs en déclarant qu’ils seraient vaccinés en urgence, avant le début de l’Euro. Mesure officialisée ensuite par la Ministre de la Santé, déclarant que les joueurs seront vaccinés avec le ‘Vaccin Janssen’, pour la plupart des membres de la sélection, à seulement trois jours de leur rencontre d’ouverture. Polémiques et débats se sont alors déclenchés en Espagne, pour ne rien arranger au déroulement de cette préparation. Une partie importante de la population s’est sentie inégale et indignée de voir que les sportifs semblaient privilégiés dans ce dossier.

Dans le même temps, la RFEF se lamentait de ce moment délicat en interne, ne comprenant pas pourquoi le gouvernement n’avait pas vacciné la sélection, avant le début de la concentration. Le président de la Fédération, Luis Rubiales, laissera apparaitre des nouvelles divergences dans les versions en soutenant qu’il avait fait une demande pour vacciner la sélection depuis 2 mois… quand le gouvernement explique avoir eu une première discussion sur le sujet avec lui la semaine précédant le regroupement des joueurs.

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A l’image de Gerard Moreno, l’ensemble des joueurs espagnols ont été vaccinés ce vendredi au siège de la RFEF (crédit photo : @SeFutbol)

C’est d’ailleurs dans cette même ambiance médiatique qu’Aymeric Laporte, grande nouveauté de cette liste, voyait un journaliste l’interroger sur son amour et sa fidélité à réellement défendre le maillot espagnol. Une question qui pèse lourd dans un climat déjà trop anxiogène auquel le défenseur de Manchester City a parfaitement répondu, tout en laissant transparaitre son étonnement : « Je suis enchanté d’être ici, je vais tout faire pour défendre ce maillot ». L’interrogation du journaliste n’a pas manqué de déclencher de nouvelles tensions en Espagne quant à l’utilité et l’objectif d’une telle remarque, sûrement déplacée.

Autre changement qu’il convient de préciser, bien que moins impactant sur la sélection : le changement de la ville hôte de la sélection. A quelques semaines du coup d’envoi de la compétition, l’UEFA a finalement décidé d’attribuer l’accueil de la compétition en Espagne à l’Estadio de la Cartuja, basé à Sevilla, et qui pourra accueillir entre 15 000 et 20 000 spectateurs, annulant par la même occasion l’accord conclu avec l’Estadio San Mamés, de Bilbao. La mairie basque a reçu en échange une somme de compensation pour rembourser une partie des installations et aménagements effectués dans la ville depuis des années à cette occasion. La Roja évoluera donc dans le stade avec lequel la Fédération a conclu un accord commercial puisqu’il est devenu l’enceinte officielle de la sélection mais aussi des finales de Copa pour les prochaines saisons.

Avec un seul match pour régler les détails et permettre aux joueurs de mieux se coordonner, la préparation s’apparente quasiment à un fiasco. Dans une période où le jeu de la Roja est parfois brouillon et où les choix de joueurs ne sont pas encore clairement fixés, la tournure des évènements est bien loin d’être idéale et avantageuse aux Hispaniques, avec un même message qui ne cessait d’être lu partout ces derniers jours : « Alerta en la Selección« . Des zones d’incertitude peut-être trop grandes à quelques jours d’une semaine du début d’un tournoi aussi crucial que l’Euro qui inquiètent et angoissent l’Espagne, d’autant plus face à la mauvaise gestion d’une telle situation qui rappelle étroitement celle de 2018.

Luis Enrique, l’homme de la discorde

Si un homme ne parvient pas à faire l’unanimité au sein de la sélection espagnole, il s’agit bien de son représentant principal : Luis Enrique. Le sélectionneur divise supporters mais aussi médias et journalistes, et la situation ne semble pas être propice à un apaisement. L’Espagne et son football semblent plus fracturés que jamais, bien loin de l’union sacrée qu’est censée incarner une sélection lors de rassemblements internationaux.

Euro 2020 : la liste de l'Espagne avec un retour surprenant !
Luis Enrique disputera son premier tournoi majeur à la tête de la Roja (crédit photo : Onze Mondial)

Cependant, les critiques dont est victime l’ancien entraîneur du Barça ne sont pas récentes et ont des explications, mais s’accroissent depuis un temps avec danger. La liste des joueurs retenus pour disputer l’Euro n’a pas aidé Enrique à se réconcilier avec l’opinion d’une grande majorité des supporters, le maintenant dans une position relativement inconfortable. Les choix déçoivent et ne sont pas compris.

Le principal absent est évidemment et sans conteste le capitaine historique de cette équipe, Sergio Ramos. Le central du Real Madrid a vécu une saison compliquée avec les Merengues, sans cesse touché par les blessures qui ne lui auront permis que de disputer seulement 4 rencontres officielles en 2021. Au-delà de la qualité, c’est le leadership du personnage qui pourrait manquer à une sélection plutôt novice, qui se cherche et appréhende encore les grands moments. Désolé de l’absence de Ramos, Enrique s’est justifié en conférence de presse en assurant que le manque de temps de jeu du leader espagnol avait pesé dans la balance pour prendre cette lourde décision.

Discutée mais compréhensible, la non-sélection de Ramos ne fait pas autant polémiquer que celle de joueurs tels que Mario Hermoso, Iago Aspas, Sergio Canales, Jesús Navas ou encore Nacho, auteur d’une superbe seconde partie de saison, qui ne s’expliquent pas. Le flou du sélectionneur pour apporter une réponse à ses choix ne satisfait pas les supporters et agace même profondément. Autre fait marquant de cette liste : aucun joueur madrilène n’y figure. C’est une première dans une compétition internationale et officielle que dispute l’Espagne, un tremblement de terre médiatique qui n’a pas manqué de faire parler dans les journaux.

Faut-il y voir des raisons personnelles pour Luis Enrique de ne sélectionner aucun joueur du Real Madrid ? L’ancien entraîneur du Barça est en tout cas pointé du doigt et n’a jamais vraiment justifié les absences de Nacho ou Asensio de la liste initiale. La polémique est d’autant plus forte que parmi les joueurs appelés en renfort, aucun ne provient du club blanco. Certains reprochent à Enrique un manque d’objectivité et de neutralité qui nuirait à la sélection, étant trop influencé par son ancien passage au FC Barcelona, et donc qui pourrait se montrer hostile à la sélection de footballeurs de la Casa Blanca. Vrai ou non, plus largement, c’est l’ensemble des choix qui questionne.

Si Luis Enrique a pu faire appel à Aymeric Laporte, nationalisé espagnol sportivement quelques jours auparavant, le sélectionneur n’a pu être épargné des remarques des médias mais surtout des amateurs du ballon rond. Entre ironie et rire nerveux, c’est surtout l’inquiétude et le manque de clarté autour des choix pour composer cette équipe qui font peur au public espagnol. Enfin, le choix de sélectionner 24 joueurs sur les 26 possibles n’est pas forcément partagé.

Initialement présentes sur les réseaux sociaux et dans les journaux, les critiques se sont multipliées et ont pris une autre dimension. Un cap a été franchi au Wanda Metropolitano quand l’Espagne recevait dans un match amical, le vendredi 4 juin, la sélection portugaise. Alors que le speaker annonçait l’ensemble des titulaires et remplaçants du côté espagnol pour cette rencontre, le nom du sélectionneur a copieusement été sifflé par le public. Symbole des fractures et divergences dont Luis Enrique semble être devenu aujourd’hui le responsable. Cet évènement s’ajoute à la liste de ceux qui nuisent à l’environnement médiatique autour de la sélection espagnole, dont l’image s’est beaucoup ternie au cours des derniers jours… Luis Enrique devra en plus faire face à une situation exceptionnelle avec des joueurs ou membres de son staff pouvant potentiellement être amenés à subitement quitter la sélection.

Toutefois, le sélectionneur a tenu à organiser une conférence de presse le jeudi 10 juin afin de clarifier la situation. Evoquant l’actualité sanitaire mais aussi sportive de la sélection, Luis Enrique s’est montré très confiant et rassurant devant les médias tout en reconnaissant que la préparation n’était pas optimale.

De la qualité mais aussi des incertitudes

Dans une sélection nationale espagnole, les bons, voire très bons, joueurs ne peuvent pas manquer. Historiquement, la Roja a toujours été une des meilleures équipes d’Europe en s’appuyant sur un réservoir de footballeurs très qualitatif. L’Euro 2020 ne fait pas exception à la règle, mais l’effectif composé par Luis Enrique amène aussi beaucoup d’interrogations. Si l’occupation de certains postes est clairement définie, d’autres le sont beaucoup moins.

La première incertitude se trouve à un poste aussi crucial que celui du gardien de but. Installé dans les cages hispaniques depuis novembre, Unai Simón sort d’une saison irrégulière avec l’Athletic où il a alterné parades décisives et erreurs. Le but concédé contre le Kosovo venait d’une sortie absolument ratée de sa part, mais Luis Enrique maintient pour le moment sa confiance envers le portier basque. De Gea, lui, est plus expérimenté, mais semble anéanti mentalement depuis un temps et dans la difficulté de se relever, aussi récent perdant de l’Europa League. Enfin, Robert Sánchez est nouveau depuis mars. Auteur d’une saison prometteuse avec Brighton, le natif de Cartagena, semblait pouvoir s’emparer du poste de titulaire selon les rumeurs. Incertitudes pour le staff de la sélection, mais aussi, et logiquement, au sein de la population espagnole. Un remaniement complet des joueurs était sollicité par le public à ce poste, avec notamment les noms de Remiro, Asenjo ou encore Pacheco qui ressortaient à la suite de leur bonne saison dans leur club respectif.

Selección Española de Fútbol on Twitter: "🛑 ¡¡NO PASARÁN!! 😏 Vale, lo  confieso. Me encantan estas fotografías. #SomosEspaña #EURO2020  https://t.co/xXL6WVjNwV" / Twitter
L’expérience de David De Gea sera assurément précieuse pour les autres portiers de la sélection (crédit photo : @SeFutbol)

La défense centrale préoccupe légèrement car, sans Ramos, l’esprit du vestiaire n’est plus le même. Laporte et Pau Torres semblent être les favoris pour jouer, mais Eric García ou Diego Llorente paraissent être à un niveau inférieur pour assurer une titularisation à ce poste. Les couloirs sont bien garnis, avec notamment le positionnement de Marcos Llorente comme arrière droit que beaucoup de supporters auraient préféré voir dans un rôle plus offensif ou au milieu de terrain, comme sous les ordre de Simeone à l’Atlético. A noter, le retour de César Azpilicueta qui n’avait plus joué en sélection depuis la fin 2018. Quant à eux, et sans surprise, Gayà et Alba tiendront le couloir gauche de la défense.

Le milieu est extraordinairement talentueux pour sa part et n’a pas besoin d’être changé quand on y retrouve des joueurs comme Koke, Pedri, Thiago, Busquets ou encore Fabián Ruiz. Pour l’attaque, la qualité ne manque pas même si beaucoup d’autres joueurs auraient pu être appelés. Préféré par le sélectionneur, Morata ne semble toutefois pas faire l’unanimité à la pointe de l’attaque espagnole, d’autant plus après ses nombreuses imprécisions contre le Portugal, et nombreux sont les supporters qui aimeraient davantage voir Gerard Moreno. Enfin, malgré l’absence douloureusement regrettée d’Iago Aspas, les ailiers convoqués rassurent et ont en eux un fort potentiel bien représenté par la jeunesse : Dani Olmo, Oyarzabal, Adama Traoré, Ferran Torres, même si la présence de Pablo Sarabia est quant à elle plus contestée.

Spain humble Germany 6-0 in Nations League
Ferran Torres fait partie des meilleurs ailiers espagnols du moment, en pleine explosion à Manchester City (crédit photo : The Financial Express)

Reste désormais à coordonner cet ensemble pour tenter d’obtenir des résultats satisfaisants, avec la maitrise du jeu. C’est ce qui a parfois manqué à l’Espagne de Luis Enrique avec des victoires poussives, comme en Géorgie, ou bien des faux pas désagréables contre la Grèce et la Suisse. La défaite contre l’Ukraine en octobre avait fait tâche bien qu’il s’agisse du dernier revers de la sélection jusqu’à aujourd’hui. On note depuis une victoire écrasante contre l’Allemagne (6-0) ainsi qu’un succès contre le Kosovo (3-1), dans un bilan plutôt mitigé ou du moins qui ne tend pas forcément à directement rassurer.

Dans une période difficile et mouvementée, l’Espagne se présente donc à l’Euro 2020 où faire un bon parcours, avec la manière, s’est imposé comme quelque chose de vital pour l’histoire du sport hispanique. Avec l’envie de retrouver la gloire passée, le chemin est encore long et semé d’embûches, mais aussi d’incertitudes et de divisions qu’il faudra tenter d’éliminer durant le tournoi. Mais la Roja n’est pas n’importe quelle sélection et sait de quoi elle est elle-même capable. La jeunesse manque peut-être d’expérience mais assurément pas d’envie, et c’est ce qu’il faut retenir. Le défi est clair et important, renaître de ses cendres ou s’effondrer à nouveau.

Bilan de saison 2019/20 – Atlético de Madrid

Le club colchonero a conclu la saison 2019/2020 à la troisième place derrière ses deux gros rivaux que sont le Real Madrid et le FC Barcelona. Alors que la pré-saison augurait une équipe redoutable, l’année de transition s’est finalement imposé à la formation de Diego Simeone, qui a perdu plusieurs de ses cadres au mercato d’été.

Les adeptes du tiki-taka de Guardiola ou même du Barça sont quasi unanimes sur la difficulté d’adhérer à ce système de jeu. On peut dire aussi qu’il en va de même pour le cholismo, qui dans un sens, est son parfait opposé. Simeone l’avait annoncé au moment où tout le monde était bluffé d’abord par le recrutement homogène, ensuite par les premières prestations de l’Atléti durant l’été. Loin de s’enflammer, il avait déjà considéré cette campagne comme une saison transitoire et il ne s’était pas trompé. L’Atlético de Madrid a probablement vécu sa saison la plus compliquée depuis que l’Argentin a pris les rênes de l’équipe. Avec des hauts et des bas, les rojiblancos ont réussi à atteindre l’objectif de la Ligue des Champions dans une reprise post-covid d’un autre niveau.

Le renouveau

Une nouvelle ère a débuté cette saison au Wanda Metropolitano. L’Atlético de Madrid a presque tourné la page de la génération qui l’a mené sur le trône espagnol en 2014 et qui l’a fait rêver à deux reprises d’une victoire en Ligue des Champions. Après le départ de l’emblématique capitaine Gabi Hernández un an plus tôt, c’était maintenant au tour de Diego Godin, Filipe Luis ou encore Juanfran de quitter le navire. Et comme-ci cela ne suffisait pas, certains jeunes qui devaient incarner le futur comme Rodri ou encore Lucas Hernández ont rejoint d’autres contrées ainsi que la star Antoine Griezmann.

Recruté pour 126 millions d'euros, João Félix incarne le futur de l'Atléti, mais sa première saison a été décevante.
Espoir du foot portugais et européen, João Félix est arrivé à Madrid pour plus de 120 millions d’euros afin de faire oublier le départ de Griezmann. (Crédit : Euronews)

Le départ de ce dernier au Barça a engendré quelques représailles entre les deux entités, mais a surtout laissé un vide dans l’attaque rojiblanca. L’arrivée de la jeune pépite portugaise, João Félix, devait combler ce trou, hélas le costume était trop grand pour lui lors de sa première saison en Espagne. Malgré les espoirs suscités, Félix a été à l’image de son équipe, inconstant devant l’exigence que demande le meilleur championnat du monde.

Dans cet Atlético new look, Simeone savait déjà que son système n’allait pas prendre forme très rapidement. Le mercato a été loué avec quelques signatures de qualité. Kieran Trippier, qui a réalisé une campagne encourageante. Renan Lodi et Marcos Llorente, deux joueurs qui ont donné satisfaction au fil des matchs. Felipe, qui s’est rapidement installé en patron de la défense durant les indisponibilités de José Maria Giménez ou encore Mario Hermoso, qui n’a pas répondu aux attentes après ses belles performances l’année dernière à l’Espanyol.

De bons joueurs venus prendre les places laissées vacantes par les gloires de la première époque. Les matchs de préparation ont laissé planer le rêve de l’année du titre chez certains surtout après la déroute infligée au Real Madrid dans l’International Champions Cup. Cependant, les blessures, la sécheresse en attaque et les problèmes à gérer les matchs à l’extérieur ont failli plomber la saison d’une équipe qui s’est enfin trouvé à la fin du confinement.

Des espoirs rapidement douchés

Si le Covid 19 n’avait pas tant bouleversé le monde, on aurait pu se demander si l’Atlético allait assurer une place en Ligue des Champions la saison prochaine. La reprise de LaLiga après l’état d’urgence sanitaire a dévoilé une équipe métamorphosée. Longtemps menacée par la Real Sociedad, le Sevilla FC ou encore Getafe, la formation de Diego Simeone a profité de cette longue coupure de deux mois pour d’abord récupérer quelques blessés, se renforcer physiquement, enchaîner les onze derniers matchs sans défaite et profiter ainsi de la dégringolade des azulóns et des Basques. 

Un nouvel Atléti post-covid a mené Simeone vers son huitième podium consécutif en Liga (Twitter : @Atletico_Fra)

Plus frais et mieux armé, mais surtout avec un banc efficace (Vitolo en super-sub, NDLR), elle a simplement repris la saison là où elle l’avait laissé. Autrement dit, après la défaite dans le derby au Bernabéu (1-0) début février, un vent nouveau semblait souffler. Le succès contre Granada (1-0) qui a mis fin à un mois de disette de buts en Liga, suivi du nul à Valence (2-2) et de la victoire contre Liverpool au Wanda (1-0) a relancé une équipe qui durant la première partie de la saison nageait entre deux eaux.

Pourtant, au coup d’envoi de cette édition 2019/2020, comme d’habitude, elle faisait partie des sérieux candidats pour le titre de champion qui est finalement allé dans la maison voisine. Seule équipe à avoir ajouté neuf points lors des trois premiers matchs, l’Atléti n’aura passé qu’une journée à la tête de LaLiga. Tandis que ces principaux rivaux marquaient le pas (défaite du Barça d’entrée à Bilbao et le Real enchaînait deux nuls, NDLR), les colchoneros se contentaient du minimum face à Getafe et à Leganés. 

L’Atléti a renversé Eibar alors qu’il perdait 0-2 après vingt minutes de jeu, un match qui montrait déjà que la nouvelle équipe de Cholo aura du pain sur la planche. (Vidéo : Bein Sports)

Mais l’illusion n’aura que peu duré. Déjà la victoire étriquée contre Eibar (3-2) montrait des premiers signes d’inquiétude sur la capacité des rouges et blancs à confirmer ce qu’ils ont montré durant la pré-saison. Des doutes confirmés une semaine plus tard à San Sebastián à la suite d’une défaite sans appel face à la Real Sociedad (2-0). Ce match a été un révélateur de ce qui aller miner la saison de l’Atléti jusqu’en février :  le réalisme.

Avec seulement sept buts marqués après huit matchs de Liga, des questions se posent déjà sur l’efficacité offensive. Leader lors de la troisième journée, l’Atléti n’aura occupé cette position qu’à cette occasion. La suite a été un ascenseur entre la 6e et la 3e place. Sixième comme lors de la réception du Barça à la 15e journée qui a mis fin au rêve du titre. Une défaite 0-1  qui a vu les blaugranas et les merengues prendre le large avec sept points d’avance.

Toujours avec une défense irréprochable, l’Atléti aura tenu en échec le Barça durant 85 minutes avant que Messi n’invente une autre merveille. LaLiga est terminée pour les Madrilènes (Vidéo : Bein Sports)

Entre les matchs nuls qui se sont succédé à l’extérieur (dix au total sur les seize obtenus cette saison), les séries de blessures (Giménez, Koke, Costa, Félix etc.), l’équipe nous avait confirmé son regain de forme lors d’une folle soirée à Anfield marquée par l’explosion de Marcos Llorente, auteur d’un doublé pour éliminer Liverpool en huitième de finale de Ligue des Champions. Avant cela, la finale perdue en Supercoupe d’Espagne face au Real Madrid avait entamé la période d’un mois sans le moindre but marqué en Liga, en plus d’une élimination en huitième de finale de la Copa face à la modeste équipe du Cultural Leonesa, pensionnaire de Segunda B (troisième division).

A LIRE AUSSI : Bilan de saison 2019/20 – FC Barcelona

La pire saison de Cholo

Pour la huitième année de suite, Diego Pablo Simeone a rempli l’objectif minimum, c’est-à-dire qualifier son équipe en Ligue des Champions et assurer une nouvelle fois sa place sur le podium. En dépit des problèmes qui ont longtemps remis en cause cet accès à la compétition reine de l’UEFA, l’Atlético a fait le travail dans le sprint final, là où ses rivaux directs ont failli. L’équipe a montré moins de dépendance au niveau de l’attaque avec huit buteurs différents durant ces onze derniers matchs. Le retour de Carrasco, cet hiver, a apporté plus de vitesse dans les transitions et des résultats essentiels ont été notés comme le nul au Camp Nou face à un Barça englué dans une crise sportive et institutionnelle (2-2) mais aussi les succès face à Osasuna (0-5), Mallorca (3-0) ou encore Getafe (0-2).

La qualification en Ligue des Champions assurée à la 36e journée après la victoire contre le Real Betis. (Vidéo : Bein Sports)

Mais comme l’avait prédit le technicien argentin, cette saison n’a pas été de tout repos et a été la moins productive depuis son arrivée sur le banc matelassier. Déjà durant ces deux dernières années, la nécessité de renouveler se sentait dans la première génération qui arrivait en fin de parcours. Offensivement, l’Atlético devenait de moins en moins tranchant malgré la présence de Griezmann.

Les statistiques de l'Atlético depuis que Diego Simeone dirige l'équipe.
Depuis qu’il a pris les rênes de l’Atléti, Simeone a réalisé la saison la plus pauvre en termes de points et de buts marqués.

Tout d’abord, les 70 points obtenus. L’Atléti n’a jamais enregistré un si faible nombre sous l’ère Simeone. Ensuite, pour la première fois, l’équipe n’a pas dépassé les vingt victoires en Liga. Cependant, la statistique la plus frappante reste le nombre de buts marqués, cinquante et un au total. On notera aussi que depuis trois ans, l’équipe peine à franchir la barre des soixante buts en une saison et celle-ci a été la pire.

L’attente suscitée par le recrutement de João Félix est vite redescendue. Auteur de six buts en Liga, le Lusitanien a plus brillé par son inconstance que par ses performances. Cette saison a été un apprentissage pour le joueur le plus cher de l’histoire du club. De son côté, Alvaro Morata a connu de bien meilleures performances même s’il a terminé meilleur buteur de l’équipe avec douze réalisations.  

Quant aux autres attaquants, Diego Costa, absent pendant une longue période à cause d’une hernie discale, a signé une très mauvaise campagne malgré l’amélioration de son rendement dans la trame finale. Angel Correa a surfé dans la vague de son équipe avec quelques étincelles par moments, mais rien de plus.

Jan Oblak a une nouvelle fois réalisé une saison exceptionnelle dans les cages de l'Atléti.
Encore une saison magnifique du Slovène qui a tenu l’Atléti en vie avec 0,7 but encaissé par match et 77% d’arrêts. (Crédit : Javier Soriano / AFP)

En revanche, si les offensifs n’ont pas brillé de mille feux, le cholismo n’a pas dérogé à sa règle de base qu’est la défense. Il ne s’agit pas de la meilleure saison dans ce domaine, ni la plus mauvaise. L’Atléti a terminé deuxième meilleure défense de LaLiga derrière le Real Madrid avec seulement 27 buts concédés. A défaut de gagner, l’équipe ne perdait pas non plus grâce à son gardien Oblak, qui par ses miracles, a encore fois a sauvé beaucoup de points.

En somme, le club de la capitale a encore démontré qu’il fallait toujours compter sur lui, malgré les difficultés traversées durant cette saison. Il l’a prouvé en championnat mais surtout en Ligue des Champions après avoir éliminé le tenant du titre et champion d’Angleterre, Liverpool, dans une double confrontation épique. Avec les résultats qui ont accompagné les bonnes sensations affichées au retour du confinement, l’équipe pourra maintenant se concentrer sur la suite du tournoi européen après avoir réalisé un dur travail pendant la pause et maintenir sa série d’invincibilité à dix-huit matchs.