Le sous-marin jaune peut-il franchir un cap ?

Après un cru 2019-2020 de belle facture conclu à la cinquième place, le Villarreal CF ne compte pas rester sur une belle saison sans lendemain et a peut-être réalisé le mercato le plus sexy d’Espagne. Reste à matérialiser le tout sur le terrain, sous la houlette d’un revenant en Liga, Unai Emery.

Le mercato ambitieux de Villarreal

Dès les premiers jours du mercato, le club castillan annonçait la couleur en s’emparant non pas d’un mais des deux milieux centraux titulaires du grand rival, le Valencia CF. Placés (inexplicablement) sur le marché des transferts par le club dirigé par Peter Lim, Francis Coquelin et surtout Dani Parejo, illustre capitaine des Blanquinegros, étaient débarqués sans la moindre reconnaissance et à prix modique, pour à peine plus de 10 millions. Une affaire que ne va pas rater Villarreal.

Fichajes Villarreal: Parejo: "El Villarreal es un grande de España, el  mejor sitio en el que podía estar" | Marca.com
Piquer le capitaine de l’équipe rivale, c’est quand même un coup de maître (crédit : Marca)

Ce double coup n’était que le début d’un excellent mercato puisque le club est ensuite parvenu à obtenir le prêt de Takefusa Kubo, la jeune promesse nippone du Real Madrid auteure d’une saison remarquable à Mallorca l’an passé.

Au rayon des pépites, c’est aussi Pervis Estupiñán qui a rallié le dernier cinquième de Liga, pour une indemnité record de 15 millions, plus gros transfert de l’histoire du club, un investissement justifié pour le latéral gauche équatorien prêté par Watford à Osasuna l’an passé et qui était l’une des révélations de l’exercice 2019-2020 en Liga (1 but et 6 passes décisives). Un transfert à l’origine effectué pour pallier la grave blessure au genou d’Alberto Moreno mais qui pourrait offrir davantage qu’une solution de remplacement.

Parmi les autres recrues, Gerónimo Rulli arrive pour officier en tant que doublure d’Asenjo après son expérience à Montpellier, le jeune Haïssem Hassan arrive de Châteauroux pour 2 millions et enfin, le club devrait boucler son mercato avec l’arrivée de Juan Foyth en prêt, avec une option d’achat fixée à 15 millions.

Le capitaine Emery à la manœuvre

Ce recrutement se termine enfin par l’intronisation d’Unai Emery, premier entraîneur à avoir remporté l’Europa League trois fois d’affilée, avec le Sevilla FC. Après ses échecs relatifs au PSG, dans un milieu qu’il n’aura jamais réussi à maîtriser, et à Arsenal où la relève d’Arsène Wenger était particulièrement compliquée à assumer, le tacticien espagnol revient sur le devant de la scène.

Un retour dans une pièce taillée pour lui, à la houlette d’un outsider de Liga qualifié en C3. En tant qu’apôtre de la récupération rapide par le pressing et de la possession de balle, Emery part déjà bien armé en récupérant le duo de Murciélagos, Parejo-Coquelin, le premier apportant son expérience, son leadership et sa vista. Des manieurs de ballon auxquels on peut ajouter Moi Gómez, Manu Trigueros ou encore Samu Chukwueze, de quoi permettre à l’entraîneur basque de mettre en place son idéal de jeu basé sur la possession tout en ayant plusieurs cordes à son arc.

Un duo d’attaque déjà en grande forme

Toutes ces arrivées viennent en outre renforcer un terreau d’origine déjà intéressant pour les Castillans. A commencer par un duo d’attaque redoutable, la paire Gerard Moreno-Paco Alcácer.

La victoire contre Alavés (3-1, lors de la quatrième journée, NDLR) reflète bien les qualités de cette association, avec un premier but signé Alcácer, tout en finesse et preuve de la confiance actuelle du joueur, qui en est à 3 buts marqués en 4 matchs, tout comme son compère Gerard Moreno. Sur le troisième pion inscrit, ce sont les deux attaquants qui prennent la profondeur sur la passe en profondeur de Moi Gómez, provoquant une véritable pression sur les défenseurs. Ce schéma, dans lequel le premier attaquant, par son déplacement, libère des espaces pour le second attaquant qui s’y engouffre, symbolise le principe de jeu d’Emery, qu’importe si cela doit passer par du jeu court ou des passes en profondeur (comme ici).

La superbe passe en profondeur de Moi Gómez et le déplacement des attaquants contre Alavés (Crédit : Liga Santander)

Avec deux offensifs de cette qualité technique et aussi adroits à la finition, Villarreal peut se targuer de disposer de l’une des meilleures attaques de Liga. Il suffit de revoir le bijou inscrit par Moreno contre Eibar, qui élimine toute la défense sur un dribble similaire à celui réalisé par Robson-Kanu face à la Belgique lors de l’Euro 2016.

En outre, ces deux joueurs représentent pour chacun la promesse d’une vingtaine de buts minimum en championnat, Gerard Moreno ayant terminé troisième meilleur buteur de Liga l’an passé (18 buts en championnat) quand Paco Alcácer, malgré des saisons tronquées par les blessures et autres transferts, gravite régulièrement autour des dix buts en championnat chaque saison. Un atout non-négligeable pour permettre à Villarreal de draguer les places européennes.

La parole est à la défense

Si le portrait global de Villarreal est plutôt laudatif sur ces premiers matchs, il reste malgré tout un gros point noir qu’Unai Emery va devoir corriger, à savoir la défense. C’est simple, les Castillans ont encaissé au moins un but à chaque journée. Et si l’on y inclut les matchs de préparation, il n’y a eu qu’un clean-sheet pour le sous-marin jaune en neuf matchs. Une faille particulièrement évidente lorsque Villarreal affronte des équipes prônant le jeu offensif, comme face à Huesca en ouverture (1-1), un match que le promu aurait pu remporter.

L’addition salée face au Barça n’est pas forcément problématique (4-0) puisque le club culé possède une force de frappe offensive très difficile à contenir, mais le positionnement statique des joueurs sur les buts d’Ansu Fati peut inquiéter.

Why Villarreal needs a center back worse than anything else - Villarreal USA
Albiol et Pau Torres, l’expérience et la jeunesse de la charnière du sous marin jaune (crédit : Villarreal USA)

Et les deux tauliers de la défense que sont Pau Torres et Sergio Asenjo ont déjà commis deux grosses erreurs individuelles coûtant un but, loin de leurs standards habituels (surtout pour le premier, néo-international espagnol et particulièrement en vue lors du rassemblement début septembre). Dans ce contexte, l’arrivée de Juan Foyth en prêt pourrait apporter une concurrence intéressante à un secteur qui a toujours fait la fierté de Villarreal lors de la dernière décennie (Godín, Musacchio, Bailly).

A l’aube d’un automne bien rempli par l’Europa League (et les déplacements copieux qui s’annoncent dans celle-ci), il faudra donc faire des paris dans le jeu et dans les compositions. On le sait, Unai Emery affectionne particulièrement la C3, ce qui devrait donner beaucoup d’objectifs à l’équipe cette saison. L’objectif sera de déterminer si Villarreal peut oui ou non franchir un cap cette saison, au-delà de sa cinquième place de l’an passé.

« Le fait d’aller loin dans les Coupes d’Europe, de jouer une demi-finale de Ligue des Champions ou trois demi-finales de Ligue Europa. Le chemin est magnifique même s’il n’y a rien au bout. Le chemin, c’est le rêve. Avoir des gens qui s’identifient au club. Avoir des joueurs qui travaillent dur et qui se sentent fiers de faire partie de ce projet »

Les rêves sont libres, comme l’a déclaré Emery lors de sa présentation.

Villarreal va en tout cas se donner tous les moyens pour surprendre, et il ne faudra pas rater ça.