Débâcle historique ! L’Espanyol de Barcelona va retrouver la Segunda pour la cinquième fois de son histoire après une saison 2019/2020 cauchemardesque du début jusqu’à la fin. Malgré sa participation en Ligue Europa, douze ans après sa dernière campagne européenne, l’entité perica n’a jamais su où elle allait durant cet exercice qui a vu quatre entraîneurs s’asseoir sur le banc du RCDE Stadium.
Quatre-vingt-cinq saisons dans un championnat qui en comptera quatre-vingt-dix en 2021. Un chiffre qui montre ce que représente l’Espanyol dans le football hispanique. Une image écornée cette année avec une équipe qui n’a pris que vingt-cinq points pour terminer dernier de LaLiga. Pour couronner le tout, elle est reléguée à trois journées de la fin dans le stade de son voisin et ennemi azulgrana. Les raisons de cet échec monumental sont multiples, mais tous les points convergent vers une même direction : une très mauvaise préparation d’une saison qui devait historique pour le nouveau projet blanquiazul.
Un projet ambitieux à terre
C’est dans un Camp Nou vide, souvent illuminé par quelques feux d’artifice des supporters blaugranas en dehors de l’enceinte, que l’ambitieux projet de l’Espanyol a pris du plomb dans l’aile le 8 juillet dernier.
« J’espère que l’Espanyol sera en Ligue des Champions et en bonne santé dans moins de trois ans », avait déclaré l’homme d’affaires chinois, Chen Yansheng, en janvier 2016, le jour de ses débuts en tant que président du club blanquiazul.

Quatre ans plus tard, il a assisté à une régression inattendue de son équipe. Pourtant, tout semblait rouler parfaitement pour l’entité barcelonaise, qui, financièrement, avait retrouvé une certaine stabilité. Une dette de 40 millions d’euros, un budget qui touche les 130 millions d’euros et surtout neuvième masse salariale de LaLiga.
Une gestion plutôt encourageante qui a été récompensée par une qualification en Ligue Europa, une première depuis douze ans. La petite coupe d’Europe, une étape préliminaire avant de rêver à la grande, un passage pour apprendre et pour grandir. Malheureusement, les vieux démons se sont réveillés à Cornellà.
L’Espanyol et l’Europe font très rarement bon ménage. À chaque fois que les bleus et blancs associent les obligations européennes aux tâches domestiques, ils passent tout près de la catastrophe. Mais cette fois-ci, la chute a été tellement brutale que personne ne la voyait venir au coup d’envoi de la saison.
La direction perica était sur la bonne voie, mais a complètement perdu le nord cette saison. Le retour sur le vieux continent l’a-t-elle aveuglé ? Difficile d’y apporter une réponse claire. Toutefois, tout ce que l’on peut analyser est qu’elle a mal préparé une saison qui devait être historique.
Un mercato estival frileux, très frileux même. Un choix d’entraîneur très douteux dès le départ, qui a entraîné trois changements sur le banc. Une instabilité qui a perdu un effectif limité, dans lequel les héros de la saison dernière n’ont rien montré de bons à part se plaindre des tactiques des coachs.
De Gallego à Machin, du pareil au même
L’exultation, quand l’équipe de Rubi avait terminé septième en 2018/2019, a laissé place à un chantier quelques mois plus tard. Le technicien catalan a préféré rejoindre le Benito Villamarín où il n’a pas connu le même succès. Pendant ce temps, à Cornellà, la tâche de mener la saison a été confiée à David Gallego, entraîneur de l’équipe B, dont la seule expérience au haut niveau était un intérim en avril 2018 après le limogeage Quique Sánchez Flores.

Avec Gallego, les phases éliminatoires de la Ligue Europa se passent plutôt bien, puisque l’équipe a atteint la phase de groupes, mais le début du championnat est une autre histoire. Manque de préparation, un groupe diminué avec les départs de Borja Iglesias (Real Betis), meilleur buteur de la saison dernière, et de Mario Hermoso (Atlético de Madrid), révélation en défense.
Le club a récolté plus de cinquante millions d’euros pour ces deux ventes, mais n’a même pas dépensé la moitié pour se renforcer. Fernando Calero est venu pour huit millions d’euros en provenance du Real Valladolid. Matías Vargas (Vélez Sarsfield, dix millions d’euros) n’a rien apporté.
Les autres transactions s’étaient limitées à des prêts, comme Jonathan Calleri, Bernardo Espinosa, et aussi des transferts libres comme Ander Iturraspe. Sans compter, les joueurs promus de l’équipe B, Victor Campuzano ou encore Adrià Pedrosa. Un mercato estival très peu ambitieux pour une équipe qui doit jouer trois compétitions très exigeantes.
Des erreurs que l’Espanyol a payées cash dès l’entame de LaLiga. L’idée de Gallego ne prenait pas, son plan de jeu, sous l’apparence d’un 4-4-2, était «compliqué». Les joueurs ne l’ont pas compris. Ils ne savaient pas ce que l’entraîneur leur demandait. Ainsi, l’équipe a enchaîné les contre-performances en Liga. Néanmoins, sur la scène européenne, les résultats étaient un peu mieux, dans une poule où seul le CSKA Moscou était à craindre.

Avec une seule victoire (Eibar 1-2) après huit journées, l’Espanyol était logiquement relégable (dix-neuvième) et Gallego a été remercié pour laisser la place à Pablo Máchin, qui lui non plus n’aura pas eu de vieux os sur le banc du RCDE Stadium.
Malgré l’expérience ratée au Sevilla FC, le club a parié sur le technicien de Soria, qui a assuré la qualification en seizième de finale de la Ligue Europa. Cependant en Liga, le scénario ne changea point, car il n’aura ajouté cinq pauvres points sur le bilan de Gallego.
Son 3-5-2 fétiche n’a rien apporté, à part rouiller encore plus la machine blanquiazule qui n’arrivait pas à se retrouver dans son système très exigeant. Son manque de flexibilité a rapidement mis l’équipe mal à l’aise. Machín a subi la même impression que son prédécesseur, le vestiaire n’était pas prêt à assimiler ses idées de jeu très arrêtées.
Pablo est à son tour remercié après seulement soixante-dix-sept jours lors de la défaite 2-0 à Leganés, concurrent direct pour le maintien. Bilan : quinze matchs (dix en Liga), quatre victoires (deux en C3 et un en Copa), trois nuls (deux en Liga) et huit défaites (un en C3) ainsi qu’une place de colista (lanterne rouge).
Deux expériences sur le banc complètement ratées qui ont finalement eu raison du moral du vestiaire. Dès le départ, ni les joueurs, ni la direction ne savaient quel chemin prendre pour négocier cette saison. Avant même la fin de la phase aller de LaLiga, l’entité perico avait déjà consommé deux entraîneurs.
Un cadeau empoisonné pour Abelardo
Évidemment, le gros problème de l’Espanyol cette saison est la planification complètement hasardeuse. Des joueurs qui ne comprennent pas leurs entraîneurs. Et des entraîneurs, qui apparemment n’avaient pas le profil pour diriger ce vestiaire. L’un n’avait pas l’expérience et l’autre, un borné dans sa tactique.

La troisième sera la bonne, pensa alors l’Espanylismo. Et Abelardo est arrivé. Un jeu simple et pratique. Le 4-4-2 d’une vie. Des lignes bien ajustées et des transitions rapides pour surprendre les adversaires. En plus, la direction a voulu corriger le tir du précédent mercato. Mais n’était-il pas trop tard ? Certes Raúl de Tomas, Leandro Cabrera ou encore Adrián Embarba ont apporté un plus dans le jeu, mais l’équipe n’a jamais pu sortir de la spirale négative.
Malgré son premier match qui a apporté beaucoup d’espoir (2-2 dans le derby barcelonais, NDLR) suivi d’une victoire à Villarreal (1-2), l’Espanyol n’a jamais quitté la dernière place de LaLiga jusqu’à la fin de la saison.
La dynamique positive initiée avec l’Asturien a été cassée par la Real Sociedad en Copa. En Europe, l’aventure s’est arrêté en seizième de finale après une démonstration de force de Wolverhampton, 4-0 au Molineux, même si le match retour a été gagné pour l’honneur.

Avec Abelardo, l’équipe avait semblé gagner en qualité dans le jeu, mais les succès se sont fait rares. Hormis les trois points pris à la Cerámica, seuls Mallorca (première victoire à domicile, journée 23) et le Deportivo Alavés sont tombés devant les perruches.
Il a obtenu quatorze points en treize matchs, un meilleur bilan que ses prédécesseurs, mais insuffisant pour éviter de subir le même sort qu’eux. Son renvoi à la 31e journée n’a fait que confirmer une chose : la direction est le coupable numéro un de ce désastre sportif.
Ce qu’elle a bien assumé quand le directeur sportif, Francisco Rufete a terminé la saison sur le banc au milieu de l’effectif qu’il a bâti pour réaliser la pire saison du club. Un effectif dans lequel, certains joueurs n’avaient certainement pas le niveau pour concourir dans l’élite espagnole.