Barça : comment en est-on arrivé là

A l’heure où débute la nouvelle saison, une question se pose chez les Catalans : quel visage affichera le Barca durant l’exercice 2020-21 ? A la sortie de l’été, le club est ancré dans une crise sportive, extra-sportive et identitaire et l’avenir peut sembler sombre au-dessus du Camp Nou, si rien ne change. Après avoir subi une troisième humiliation d’affilée sur la scène européenne, après avoir conclu leur première année blanche depuis 2008 et à la suite d’un mercato où les tensions joueurs/direction ont atteint leur paroxysme avec l’envie de départ de Messi, de nombreuses interrogations peuvent être émises. Pourtant, il y a quelques années encore, le club était au sommet. Comment en est-on arrivé à cette situation ?

Des recrues qui posent questions, des scandales extra-sportifs qui viennent entacher l’image du club et des tensions toujours plus vives au sein même de la direction : voilà comment on pourrait résumer aujourd’hui la gestion du club, sur ces dernières années. Au centre des critiques et dorénavant dans le viseur des socios, avec une motion de censure à son égard, Bartomeu n’a jamais paru si seul. Le Barça a souvent connu des problèmes directionnels durant son histoire et a longtemps été en retard à l’échelle internationale, mais s’en est tiré grâce à des hommes forts pour devenir l’un des clubs les plus puissants du monde. Petit résumé de la gestion du club, épicentre des maux de tête blaugranas.

De 1990 à 2010, entre âge d’or et crise : la construction d’un Barca au sommet

Dans les années 90, le Barca vit son premier âge d’or. Lluís Núñez, mythique président du club depuis 1978 (président entre 1978-2000), travaille depuis des années pour faire grandir le Barca. Dans cet optique de faire passer un cap au club (comme celui de gagner enfin la Ligue des Champions), il va nommer Johan Cruyff à la tête de l’équipe première en 1988. Dès lors, le club entraîné par sa star néerlandaise (1988-1996) est au sommet de l’Espagne avec 4 titres consécutifs entre 1990 et 1994, mais également au sommet de l’Europe : les Blaugranas remportent enfin leur première C1 en 1992, sur un missile de Koeman. En plus de gagner, le club se crée une véritable philosophie, avec un jeu tourné vers l’attaque et une confiance prononcée envers les jeunes, caractérisée par le développement de la Masia et la formation de pépites. La Dream Team impressionne tout le monde et pose les bases solides d’une identité culturelle propre au Barca et reconnue de tous.

Après le départ de Cruyff et malgré un répit sous Van Gaal (1997-2000), le club va subir une très profonde crise au début du XXIe siècle. La présidence de Gaspart (2000-2003) est un véritable échec, sur tous les plans. Au niveau du sportif, le Barca va enchaîner cinq saisons sans gagner le moindre titre (1999-2004), terminant même sur une sixième place en 2003. Quatre entraîneurs différents se succèdent durant cette période, dont le retour de Van Gaal, mais rien ne change. Sur l’aspect financier, des millions d’euros seront jetés dans des transferts afin de contrer et rivaliser avec la politique des « Galacticos » de Florentino Pérez, au Real Madrid qui, part ailleurs, impressionne le monde entier à cette époque. Cependant, bon nombre de ces transferts s’avéreront être des échecs (Rochemback, Geovanni, Petit etc…) et le club s’endette… La situation sportive et politique étant très compliquées, et la direction sous le feu des critiques, Gaspart démissionne de son poste en février 2003. Le FC Barcelone sort meurtri de ses années de présidence.

Johan Cruyff et Gaspart, deux hommes qui représentent deux périodes bien différentes l’une de l’autre. (crédit image: Penya Blaugrana de Paris)

De nouvelles élections sont organisées et Joan Laporta (2003-2010) est élu. C’est un homme politique et ancien avocat. Il apparait pour la première fois dans l’histoire du FC Barcelone à la fin des années 90, en participant à une motion de censure contre le président Núñez. A ses côtés, se trouve Sandro Rosell (vice-président 2003-05, puis président de 2010 à 2014), qui va le soutenir dans sa campagne puis devenir son vice-président à son élection. La mission de Laporta est lourde : rebâtir le FC Barcelone. Pour cela, il instaure Franck Rijkaard (2003-2008) à la tête de l’équipe, sous les conseils de Cruyff, avec qui il est très proche. Il fait également venir un certain Ronaldinho (2003-2008). La première saison est laborieuse, avec une première partie très compliquée où le Barca déçoit et se retrouve très loin du Real. Rijkaard est même menacé. Mais le travail paye et il va finalement trouver la bonne formule : le Barca finit second en fin de saison. L’entraineur néerlandais est maintenu et durant l’été 2004, le club recrute ce qui deviendra des stars du club, tels que Deco (2004-2008), Eto’o (2004-2009) ou encore Giuly (2004-2007).

La saison est une totale réussite et le Barca remporte la Liga à la fin. Fort de son succès national, l’équipe enchainera avec un second championnat de suite mais surtout, le club remportera sa deuxième Ligue des Champions en 2006 ! Le premier mandat de Laporta est une réussite sportive, économique et sociale. En l’espace de 3 ans, le Barca est au sommet de l’Europe, a comblé une partie des dettes et arrêté les transferts inutiles pour instaurer une réelle réussite sportive. Le club a même dans son effectif le Ballon d’Or 2005. L’équipe voit également éclore un certain Lionel Messi. Le seul point noir est le cas Rosell. En 2005, le vice-président démissionne à la surprise générale de son poste et devient l’un des principaux opposants à Laporta durant le reste du mandat.

Histoire du FC Barcelone Saison 2005/2006 - FC Barcelona Clan
Le Barça remporte sa seconde ligue des champions face à Arsenal (crédit image : fcbarcelonaclan.com)

Laporta est réélu en 2006. Son second mandat commence de manière difficile : le Barca perd la Liga en 2007 et 2008. Pire, le club ne gagne aucun trophée durant l’année 2008 ! L’équipe est à bout de souffle et doit gérer des problèmes extra-sportifs, avec Ronaldinho notamment. Laporta est en danger et certains journaux demandent même sa démission. Une motion de censure est lancée à son égard par Rosell, mais n’aboutit pas (seuls 60% des socios votent contre son éviction, 66% étant nécessaire, NDLR).

L’été 2008 fait office de grand ménage : Rijkaard est démis de ses fonctions, Ronaldinho et Deco quittent le club. Laporta va alors nommer Pep Guardiola (2008-2012) à la tête de l’équipe première. L’arrivée du Catalan, alors entraineur de l’équipe B, va marquer un tournant dans l’histoire du club et la suite, tout le monde la connait : l’équipe réalise un sextuplé inédit en 2009. Le Barca joue son meilleur football et impressionne le monde entier. Messi remporte même quatre Ballons d’Or de suite, entre 2008 et 2012. Au niveau du contenu proposé, ce Barca devient une référence, avec un jeu de position parfaitement maitrisé inspiré de Cruyff et un « tiki-taka » reconnu de tous. Le club s’appuie également sur son centre de formation, la Masia : énormément de joueur sont formés au club et de nombreux nouveaux jeunes font régulièrement leurs apparitions avec l’équipe première. La consécration arrive en 2010 lorsque 3 Masians sont placés sur le podium du Ballon d’Or, une performance inouïe (Messi – Xavi- Iniesta).

L’été 2010 marque la fin du mandat de Laporta, ne pouvant pas se présenter trois fois consécutives. Ses années à la tête du club sont glorieuses : il a réussi à redresser le club d’une situation désastreuse, par des choix forts, un recrutement intelligent et une confiance en ses entraineurs. Il installe une politique sportive basée sur le long terme : le Barca achète des joueurs jeunes, des talents à progresser sur plusieurs années (Ronaldinho, Eto’o, etc…) et mise également sur son centre de formation, avec un effectif en grande parti formé à la maison. Laporta part en plein âge d’or avec un travail reconnu par beaucoup. Au cours de son mandat, le club remporte notamment deux Champions League et quatre fois la Liga, les revenus ont augmenté de 300% et le nombre de socios du club a explosé !

Joan Laporta, le président qui a relancé le Barca ! (crédit image :football365.fr)

Les années Rosell-Bartomeu : un changement de politique sportive qui interroge.

L’été 2010 est marqué par la victoire de l’Espagne à la Coupe du Monde. Si à Barcelone on se félicite qu’autant de joueurs formés ou jouant au club soient présents dans cette équipe, l’évènement de l’été correspond surtout au changement de président. C’est Sandro Rosell est élu en juin 2010 et devient le 39ème président de l’histoire du club. Il a donc anciennement travaillé sous Laporta, qu’il a soutenu durant les élections de 2003 et est même devenu son vice-président : il est le n°2 du club.

Rosell était notamment fortement impliqué dans le recrutement de Ronaldinho. Mais en juin 2005, celui-ci avait démissionné avec fracas de son poste. Il était en désaccord profond avec Laporta sur le recrutement de Eto’o ou le maintien de Rijkaard par exemple. A partir de cet instant, il est devenu le principal opposant à Laporta : il ne cessera de critiquer son ancien président et c’est même lui qui lance la motion de censure contre Laporta en 2008. Rosell a une image « d’anti-Cruyff » auprès de certains supporters. Son arrivée au pouvoir va marquer le début d’un changement de politique sportive au sein de la direction.

Ancien vice-président, Rosell accède dorénavant au poste de président (crédit image : Eurosport)

La première grande décision que va prendre Rosell est au niveau du sponsor. A partir de 2011, le maillot du Barca sera sponsorisé par « Qatar Fondation », à la hauteur d’un montant de 30 millions d’euros par saison, jusqu’en 2016. Une décision qui peut paraître anodine pour n’importe quel club, c’est un nouveau sponsor, mais qui est une décision historique pour le Barca. En effet, depuis sa création en 1899, le maillot blaugrana n’a jamais abordé un sponsor ! Une exception dans le football. Mieux, c’est même le Barca qui va donner de l’argent ! Si le club n’avait jamais reçu d’argent de la part d’un sponsor pour son maillot, l’UNICEF apparaît fièrement sur la tunique depuis 2006.

Le Barca fait donc don d’une somme de 1,5 million d’euros par an à l’UNICEF ainsi que 0,7 % des revenus de sa fondation, pour imiter les états européens qui se sont engagés à reverser ce pourcentage de leur PIB à la campagne Millenium des Nations Unies, contre la pauvreté et pour l’éducation. Un accord qui correspond parfaitement avec le slogan de l’entité, « Més que un club », et qui est l’une des grandes réussites de Laporta.

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Accord historique entre le Barca et Qatar Foundation (crédit image : Sport24)

Cette décision de prendre un sponsor est dûe à l’augmentation des dettes du Barca (qui atteignent des montants records, notamment à cause d’une dernière saison 2009-10 catastrophique de Laporta sur l’aspect financier, NDLR), mais également tout simplement pour se mettre au niveau de la « norme européenne » des autres clubs et ainsi être capable de rivaliser économiquement avec les autres cadors. Même si au niveau financier, cela paraissait inévitable, cette décision suscite des controverses, auprès des supporters les plus attachés au club notamment.

« Je suis totalement contre l’idée de mettre de la publicité sur le maillot. C’est une solution de facilité. C’est unique au monde. Personne n’a réussi à garder intact son maillot dans toute l’histoire, et d’un seul coup, ça devient celui qui rapporte le plus. Cela vaut-il le coup de vendre cette singularité pour 6 ou 7% de son budget ? »

La réaction de Johan Cruyff, entièrement opposé à ce projet

Cependant, Rosell se fiche de l’avis du Néerlandais, avec qui il est en désaccord. Par ailleurs, Cruyff, nommé président d’honneur par Laporta lors de son départ, quittera ce poste quelques mois après l’arrivée du nouveau président.

Sur un plan sportif, les années sous la présidence Rosell sont excellentes. Le Barca remporte 9 trophées avec l’équipe première, dont notamment une Champions League, en 2011, contre Manchester United, match qui est souvent considéré comme l’apogée du Barca de Guardiola. Après le départ de celui-ci en 2012, Tito Vilanova est nommé (adjoint de Guardiola depuis 2007, NDLR). Malgré une humiliation face au Bayern en demi-finale, l’équipe réalise une excellente saison, égalisant notamment le record de points en championnat réalisé par le Real Madrid de Mourinho, en 2012 (100 pts). Malheureusement, à la suite de gros soucis de santé, Vilanova renonce à son poste d’entraineur. Tata Martino lui succède.

L'ancien entraîneur du Barça Tito Vilanova est mort
Tito Vilanova, ancien entraîneur du Barca en 2012-13, est décédé le 25 Avril 2014 d’un cancer. Il est à jamais dans les cœurs blaugranas ! (crédit image: lejdd.fr)

La saison 2013-14 est fatale pour Rosell. En cause ? Le transfert de Neymar. En effet, à l’été 2013 le club recrute la pépite de Santos contre, officiellement, 57 millions d’euros. Mais, en janvier 2014, l’Audiencia Nacional, tribunal de Madrid, ouvre une enquête pour « délit contre le Trésor public et fraude fiscale » contre le FC Barcelone, dans le cadre du transfert de Neymar. Ce dossier est ouvert à la suite une plainte d’un des socios du club. Quelques jours plus tard, Rosell démissionne de son poste.

En effet, cette enquête révèlera que ce transfert est bel et bien entaché de corruption et autres combines. Le transfert aurait en réalité couté plus de 83 millions d’euros. Ce chiffre reste encore flou mais certaines sources, comme El Mundo, affirme même qu’il serait de 95 millions d’euros ! Ce qui est sûr, c’est que de l’argent a été versé frauduleusement à Neymar, à son père ainsi qu’à la société « Neymar § Neymar ». En 2017, Delcir Sonda, le patron de l’entreprise qui gérait auparavant les droits de la société Neymar, affirmait même que le Brésilien devait signer au Real et qu’il a signé au Barca grâce à l’argent de Rosell.

« Neymar a atterri au Barça parce que Sandro Rosell a soudoyé son père. C’est le délit de corruption entre particuliers que nous dénonçons »

Quoi qu’il en soit, c’est une affaire qui a sali l’image du club et qui lui a posé des problèmes avec la justice durant plusieurs années. Par ailleurs, quelques semaines plus tard, le Barca est interdit de recrutement pour l’été 2015 par suite d’infractions relatives aux transferts de mineurs… Un bourbier de scandales touche le club catalan au cours de cette période.

À la suite de la démission de Rosell, Bartomeu prend le relais jusqu’aux prochaines élections. Ancien responsable de la section basket entre 2003 et 2005, il démissionne lors de cette dernière année, comme Sandro Rosell qu’il va suivre.

Par la suite, il sera nommé vice-président par celui-ci et prendra naturellement sa succession après sa démission. Son mandat court jusqu’en 2016, mais Bartomeu convoquera des élections anticipées dès 2015 qu’il remportera. Pour beaucoup de supporters, il surfe sur les résultats de l’équipe pour être réélu. Quoi qu’il en soit, Bartomeu est dorénavant président jusqu’à l’été 2021.

Bartomeu prend la succession de Rosell suite à la démission de celui-ci (crédit image: Marca)

Bartomeu est aujourd’hui sous le feu des critiques de tous les supporters Blaugranas. Considéré comme l’un des pires présidents du Barca par certains, il est sous la menace d’une motion de censure, qui a atteint plus de 20 000 votes, ce qui est historique. Mais qu’à t-il fait pour en arriver là ? Ce qui est avant tout reproché, c’est sa politique de transferts.

En effet, depuis l’arrivée de Rosell, un changement de politique sportive important va marquer le club, au niveau du recrutement notamment. Depuis 2010, le Barca est le second club qui a dépensé le plus d’argent dans les transferts, là est la subtilité. La direction va investir dans des joueurs assez chers mais qui vont performer tout de suite (car ce sont des joueurs déjà complets), au lieu de développer de jeunes joueurs.

Le but est d’obtenir des résultats très rapidement car ils permettent une rentrée d’argent plus rapide et plus conséquente, donc une marge de manœuvre plus large pour la Junta en place. Ce choix de dépenses va concorder avec l’augmentation de la puissance financière du Barca, dû aux très bonnes performances réalisées ces dernières années mais aussi avec l’arrivé du sponsor depuis 2011. On ne peut nier que le Barca peut maintenant beaucoup dépenser car le club est une force économique qui ne cessera de croitre durant la décennie.

Les Barcelonais vont ainsi se concentrer sur des recrutements de joueurs qui ont une très forte valeur sportive mais surtout, une très forte valeur marketing. C’est donc ainsi que huit des dix plus gros transferts de l’histoire du club vont avoir lieu sous la présidence Bartomeu. Mais si c’est une stratégie qui pourrait à première vue paraitre payante, elle va se transformer en véritable catastrophe. D’une part, car ces arrivées ne seront pas faites de manières intelligentes et en fonction des besoins de l’équipe mais surtout car une grande partie seront des « flops », et donc considérés comme des pertes d’argent.

Tout en haut de la liste de ces transferts colossaux, on retrouve Griezmann, Coutinho et Dembélé. Si ce dernier nous fait lever de notre canapé par son talent à chaque fois qu’il joue, ses problèmes physiques récurrents et son faible nombre de matchs ne permettent pas encore de le considérer comme un transfert réussi au vu de la somme investit (105M€ + 40M€ de bonus). Griezmann (120M€), apparait aujourd’hui encore comme une erreur de casting et Coutinho (120M€ + 40M€) fût un échec sur le plan sportif (mauvais positionnement sur le terrain notamment) avant d’être prêté au Bayern, puis revenir cet été. Malgré cela, il y a l’espoir que la situation change et que ces 3 transferts aient vocation à réussir dans les prochaines années, avec un nouveau système tactique qui permet de faire jouer les trois ensemble dans des conditions optimales, comme essaie de mettre en place Koeman par exemple. En revanche, cela ne changera rien aux sommes colossales perdues dans les autres transferts soit incompréhensible soit « flops » ou soit erreur de casting du Barca sous Bartomeu : Arda Turan (34M€), Aleix Vidal (17M€), André Gomes (35M€), Paco Alcacer (30M€), Deulofeu (12M€), Marlon (5M€), Malcom (40M€), Semedo (36M€), Yerry Mina (11M€), Firpo (18M€), Douglas (4M€), Denis Suarez (12M€) , etc… Pour une majorité de supporters, le Barca renie ses principes en dépensant autant dans des transactions de joueurs.

Figure 3: investissements en indemnités de transfert par club, millions € (2010-2019)
Le classement des clubs ayant investi le plus en indemnités de transfert,en millions d’euros, depuis 2010. (source: Rapport mensuel de l’Observatoire du football CIES n°47 – Septembre 2019)

Si certains transferts ont été sauvés grâce à une plus-value lors de la vente, il n’en demeure pas moins que ce sont des déceptions qui ont empêché d’investir plus intelligemment sur le moment. Ce recrutement excessif a également handicapé le Barca au niveau financier. L’argent étant dépensé tellement vite et la masse salariale du club étant tellement importante, que le club se retrouve dans une situation où il n’a plus d’argent pour recruter, comme on l’a encore vu cet été, ou pour réaliser des projets comme rénovation du Camp Nou par exemple). Le tout malgré une puissance financière importante et des chiffres de revenus historiques pour le club (900M€ de revenu en 2019, NDLR) . Un paradoxe qui plonge le club dans une crise économique…

L’explosion de la masse salariale du Barca en chiffre. (crédit image: Goal.com)

Ce tournant assez abrupte dans la politique de transferts va contraster avec ce qu’il s’est passé lors des années précédentes et notamment participer à ce que beaucoup de supporters considèrent également comme l’un des principaux problèmes aujourd’hui : la mauvaise gestion et utilisation de la Masia. Cette stratégie va aboutir à la chute de ce qui a fait la renommée du club ces dernières années : l’intégration puis la titularisation de joueurs formés à la Masia. En exemple et en image du contraste du changement de l’utilisation de la Masia, Vilanova aligne en 2012 contre Levante un onze exclusivement composé de joueurs issus de la Masia, alors que Valverde aligne en 2018 un onze composé sans un seul joueur formé au club. Cela s’explique par plusieurs facteurs. Déjà, l’arrivée de ces joueurs réduit l’intégration de nouveaux jeunes au sein de l’effectif première, car ces derniers ne performent pas aussi vite que des joueurs déjà confirmés.

« Barcelone a atteint un tel niveau de jeu qu’il n’y a pas de place pour essayer de voir si cela fonctionne. Les joueurs doivent être extrêmement talentueux avant de pouvoir intégrer l’équipe. Si l’équipe A était moins forte, cela serait plus facile »

Les propos de Rakitic, en 2018, sur la place accordée aux jeunes joueurs au sein du club

Ce niveau d’exigence plus élevé plairait à beaucoup, mais énormément de Blaugranas considèrent l’intégration de jeunes comme quelque chose d’essentiel et surtout qui fait partie de l’identité du club. Cela pose donc question, depuis Roberto, plus aucun jeune formé à la Masia ne s’est installé durablement dans l’équipe première, même s’il y a des motifs d’espoir avec Fati et Riqui Puig pour les prochaines années. Mais cette diminution d’intégration de jeunes masians pousse donc de plus en plus de joueurs à quitter le Barca une fois leur formation terminée pour être sûr d’aller chercher du temps de jeu dans d’autres clubs, qui leur promettent une intégration plus rapide au monde professionnel.

Par ailleurs, ce choix d’achat massif se ressent également dans les sections jeunes et la réserve du Barca. Beaucoup de joueurs ont été achetés pour le Barca B, dans le but d’améliorer l’effectif et les faire monter. Or, non seulement beaucoup ont été des échecs et n’ont jamais intégré la A (ou sont simplement partis), mais surtout cela a renforcé ce sentiment d’abandon des jeunes et le Barca B, qui pendant longtemps était un tremplin pour les jeunes masians afin d’intégrer la A. La réserve a en effet toujours eu un rôle primordial car elle permettait aux jeunes d’entreprendre une formation à un niveau élevé avant d’espérer évoluer en équipe première. Même pour des rôles de doublures en A, le club s’appuyait sur sa réserve. Aujourd’hui la direction s’oriente plutôt vers des achats extérieurs et délaisse sa cantera.

En 2012, Vilanova aligne un onze 100% Masia ! Une époque qui parait bien lointaine… (crédit image : BeSoccer.com)

Pour conclure, le Barca a donc vécu une décennie bien différente que la précédente. En plein âge d’or il y a encore 10 ans, le club est aujourd’hui dans la tourmente avec une direction qui pose question. Entre achats massifs, Masia délaissée et scandales extra-sportifs, le duo Rosell-Bartomeu est aujourd’hui dans le viseur d’une majorité des supporters pour sa gestion du club. 

Une crise identitaire qui empêche le club d’avancer ?

Les choix douteux de la direction font donc énormément débat et instaure un climat hostile sur le Camp Nou. Mais au-delà de ces problèmes directionnels, l’un des gros ennuis du Barca ces dernières années est le jeu proposé par l’équipe pendant les matchs. En effet, celui-ci est qualifié d’ennuyant et ne collerai pas avec l’identité du club. Mais qu’est-ce que cela veut vraiment dire ? On ne peut nier que le Barca a cette étiquette de club qui joue un beau football et qui est agréable à regarder, et ce n’est pas une image totalement infondée tant le Barca nous a ébloui ces dernières décennies.

Tout commence à la fin des années 80, en 88 pour être plus précis. Le Barca sort d’une saison catastrophique et vit une crise intense, le club est dans ce que beaucoup considèrent comme la pire période de son histoire. Dans ce chaos ambiant, la direction va être prise à parti et pointée du doigt dans un évènement qui marquera les esprits : « la mutinerie l’Hesperia ». Lors de la fin de saison, les joueurs du Barca organisent une réunion où ils demandent la démission de Núñez, le président en place. Une prise de parole très forte où ils accusent la direction de ne pas respecter le club et réclament une augmentation salariale. Núñez, majoritairement soutenu par les socios, ne quittera pas son poste mais une révolution complète aura lieu. Près de 14 joueurs quittent l’effectif sous fond de désaccord avec la direction, Luis Aragonés n’est plus l’entraîneur et surtout, Johan Cruyff arrive sur le banc blaugrana. Pour rappel, le Néerlandais a porté la tunique azulgrana en tant que joueur entre 1973 et 1978, il est arrivé pour une somme record à l’époque et est reparti avec le titre de légende. L’arrivée de Cruyff changera le club à jamais.

Hendrik Johannes Cruijff, dit Johan Cruyff. (crédit image : Eurosport)

Au niveau du palmarès déjà, avec 11 trophées remportées dont la prestigieuse C1. Mais surtout, il a bâti une conception du football qui restera reine au Barca pendant longtemps et qui est aujourd’hui ancrée dans l’ADN du club. Cette conception s’appuie sur un football où le résultat pur et dur n’est pas l’essentiel, mais où la manière dont on obtient ce triomphe prime.

Pour obtenir cette formule-là, il va avant tout s’appuyer sur des joueurs sans qualités physiques particulières mais qui maniaient le ballon avec brio. Il ne se souciait non plus de la petite taille de ses milieux, critère qui était mal vu à l’époque. Ces joueurs de qualités que Cruyff a, soit recruté à son arrivée, soit cherché à la Masia lui ont permis d’avoir une équipe forte et dominatrice avec le ballon. Il a ensuite placé ces joueurs dans un système tactique innovant : le 3-4-3. Le but est de densifier le milieu de terrain afin d’accentuer cette maîtrise de la balle mais également d’obliger l’équipe à jouer plus haut et occuper toute la largeur du terrain.

Cette composition est un dérivé du 4-3-3 qu’il a connu à l’Ajax et est révolutionnaire dans une époque où le 4-4-2 prime. De nombreux supporters ne comprenait pas l’utilité d’avoir autant d’attaquants et si peu de défenseurs.

« Il y avait un tableau noir et il a dessiné trois défenseurs, quatre milieux de terrain, deux ailiers et un avant-centre. Nous nous sommes tous regardés et on s’est demandé ce que c’était que ce truc. Et surtout comment on pouvait jouer avec seulement trois défenseurs. Il a mis en place une nouvelle façon de jouer au football en Espagne. C’était une révolution »

Eusebio Sacristán, ancien milieu du Barca (1988-1995), sur la tactique de Cruyff, dans une interview pour FourFourTwo

Il a utilisé ce schéma lors de la majorité de son passage en Catalogne, qui déviait aussi en 4-3-3. Dans ce schéma, les joueurs sont toujours en mouvement, le but étant de toujours proposer une solution au porteur du ballon. Les transmissions sont rapides, dans le bon tempo et si possible vers l’avant. La défense à trois est également compensée par un pressing intense à la perte du ballon.

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Le 3-4-3 de Cruyff en 1992 (crédit image: tompaynefootball.wordpress.com)

C’est cette originalité qui va donner au Barca de l’époque cette impression de proposer un jeu spectaculaire. Dans un temps où la défense était la base du jeu de l’équipe, Cruyff bouleversera cela avec un système et des principes innovants tournés vers l’attaque ! C’est la révolution Cruyff. Cette idée d’un football offensif et spectaculaire fera naître le mouvement Cruyffiste, c’est-à-dire un mouvement qui idéalise les principes du Néerlandais comme étant la manière la plus juste de jouer au football. A partir de ce moment, le Barca voudra appliquer cette philosophie aux génération futures et incorporera les principes de ce dernier comme étant la base du jeu blaugrana. De nombreux entraîneurs s’identifieront aux principes d’El Flaco et ce sera notamment ce sur quoi s’appuieront Rijkaard et Guardiola pour construire leur jeu. Toutefois, si la base de leur tactique repose sur les grandes idées de Cruyff, elle n’est pas exactement identique à celle du mythique entraîneur. En effet, avec le temps la signification du mouvement a évolué et aujourd’hui il est trop souvent utilisé à tort. Ce qui est, à l’heure actuelle, réclamé par les supporters n’est plus du tout la même chose qu’à l’époque.

Mais revenons en à cette situation actuelle, où ce qui est vu sur le terrain fait l’objet de nombreux débats. En effet, le jeu que propose le Barca depuis 3 ans notamment est bien loin de ce que l’on voyait encore il y a quelques temps et cela dérange. C’est une équipe qui pratique un jeu plus défensif, moins possessif et qui subit beaucoup. Le 4-4-2 de Valverde ou le 4-3-3 bien trop stérile de Sétien en sont les exemples. Et cela agace une grande majorité des supporters. Ce jeu très loin des standards habituels du club et cette incapacité à renverser la tendance montrent un problème plus profond : le club a du mal à se réinventer. Le Barca semble plonger dans ce que l’on peut qualifier comme une crise identitaire : comment doit jouer cette équipe ?

Pour y répondre, il y a différentes écoles. On peut déjà exclure ceux qui ne jurent que par les résultats : un Barca qui gagne sans satisfaire, ça ne marche pas pour l’opinion publique. Le club a comme une obligation de proposer du « beau jeu » en raison de son passé et toute la tension que l’on a ressenti sous Valverde prouve que cette pression existe. Si on exclut les deux humiliations, ce qui a été principalement reproché a Valverde est la manière de jouer de son équipe. Un jeu aux aspects trop défensifs avec un entraineur qui pose comme base de départ un 4-4-2 (ou 4-3-1-2), incapable de changer durant le match. Si certains sont relatifs et essaient d’expliquer ce choix (effectif de mauvaise qualité, tentative de combler les errances défensives, NDLR), il n’est clairement pas possible de tenter de mettre en place ce type d’approche et la fracture entre les supporters et Valverde que l’on a ressenti l’a démontrée. Plus généralement, le monde du football et du journalisme qualifiait le jeu de Valverde comme étant à l’antithèse de ce que doit proposer le club. Un devoir de bien jouer qui est ancré dans la tête de beaucoup de personne. Et qui est nocif pour le club ?

Le Barca de Valverde, un Barca jugé trop défensif avec des choix qui posent questions chez les supporters (crédit image : barcelonaanalysis.com)

On a ensuite les puristes, ceux qui ne jurent que par Cruyff et Guardiola. Ces deux entraineurs représentent les deux âges d’or du club, il est donc naturel de s’y rattacher et les prendre comme point de référence. Mais plusieurs questions se posent alors. Tout d’abord, n’est-il pas utopique de penser que le Barca retrouvera un jour le niveau de 2008-2012 ? Cela parait en effet compliqué. Et puis surtout, même si cela représente des belles années, cela ne représente pas toute l’histoire du club. En effet, il n’y a pas une seule façon de gagner mais plusieurs. Evidemment, il peut y avoir une base commune qui sert de socle aux différentes tactiques mais ce n’est pas forcément un jeu strictement identique qui doit à chaque fois être mis en place.

C’est d’ailleurs ce qu’il s’est passé au Barca. Le club a gagné cinq Ligue des Champions avec quatre entraineurs différents. Et si les quatre coachs utilisaient comme base commune quelques principes et idées de jeu de Cruyff, le fond était différent. Le Barca de Cruyff ne jouait pas de la même façon que celui de Rijkaard, qui ne pratiquait pas le même football que celui de Guardiola et qui ne jouait lui-même pas de la même façon que celui d’Enrique ! C’est dans cette direction que le club devra aller : reprendre le fond mais changer la forme ? Il ne faut pas appliquer toujours les mêmes principes à des époques différentes. Le football évolue, mais il faut également ne pas oublier ce qui a fait la réussite du club. Il faut simplement évoluer de manière intelligente et ainsi, l’entité blaugrana pourra se réinventer, avec Koeman par exemple.

En conclusion, le Barca reste aujourd’hui, indéniablement, un des clubs les plus puissants au monde. La base de supporters reste énorme et le club continue d’attirer autant d’amoureux du football. Mais les temps sont troubles et la mauvaise gestion du club depuis une dizaine d’années vient installer un climat anxiogène autour de l’édifice catalan. La saison qui arrive s’annonce dors et déjà comme un tournant pour les Barcelonais. Déjà, parce qu’il devient impératif de relever le niveau de jeu sur le terrain, mission accordée à Koeman, mais surtout car le président va changer. Les élections approchent et Bartomeu ne pourra pas se représenter. La mission du prochain président sera donc lourde : changer de cap et rebâtir sur des bases nouvelles ou alors suivre la continuité de ce que l’on voit. Laporta ou Font qu’importe, l’un des deux aura l’avenir crucial du Barca entre ses mains.

Bilan de saison 2019/20 – Deportivo Alavés

Seizième de LaLiga, l’équipe albiazule a rempli l’objectif du maintien, mais le goût était amer. Elle n’avait jamais connu une saison aussi difficile depuis son retour dans l’élite en 2016/2017. Habitué à se maintenir plus tôt, le club basque a validé le ticket pour sa cinquième saison de suite en Liga à la pénultième journée avec seulement trente-neuf points. Trop faible !

Le Deportivo Alavés a clôturé une saison déconcertante, sans doute marquée plus par l’irrégularité de l’équipe et la frilosité de son entraîneur, que par la pandémie du Covid-19. Mené par un Asier Garitano qui n’a jamais pu trouver un équilibre parfait pour enchaîner les résultats, le club d’Álava était loin du niveau exigé par LaLiga. Une situation qui a provoqué son limogeage à quatre journées de la fin de l’exercice après les sévères critiques du big boss de Baskonia-Alavés, Josean Kerejeta, envers les joueurs et leur coach.

Asier Garitano n’a jamais trouvé la clé

On est bien loin du Deportivo Alavés, finaliste de la Copa et neuvième de LaLiga en 2016/2017. Plusieurs fois cette saison, Mendizorroza a perdu son pouls et heureusement que la fin du championnat s’est joué à huis clos sinon, il y aurait eu des suicides collectifs dans les tribunes.

Le projet de continuité qu’Asier Garitano entendait bien mener ne s’est pas concrétisé et son licenciement a répondu à une question logique. L’équipe babazorro ressemblait peu à celle qu’Abelardo avait laissée derrière lui.

Asier Garitano, Deportivo Alavés
Neuf victoires en trente-cinq matchs, bilan décevant pour Garitano sur le banc du Deportivo Alavés. (Crédit image : Unidad Editorial)

L’attitude conservatrice du technicien basque et le peu de spectacle offensif ont amené un blocage qui s’est éternisé durant toute la saison. D’autant plus que la situation s’est gravement dégénéré après la reprise de LaLiga au mois de juin. Garitano n’a pas été en mesure de renverser la vapeur.

« Nous sommes clairement dans une situation d’équipe relégable. Si les joueurs n’avancent pas, l’année prochaine nous serons en Segunda […]. Tout le monde peut être en danger, ce n’est pas une question de coach, ce sont les joueurs qui sont sur le terrain et ce que nous avons vu jusqu’à présent est déprimant ».

Kerejeta a mis tout le monde dans le même sac, mais à chaque fois dans ce genre de situation, la tête de turc reste toujours l’entraîneur. (Source : El Pais)

La relégation, un scénario que le dirigeant glorioso ne voulait même pas envisager puisque le destin d’Alavés en Liga est étroitement lié au club de basket du Baskonia. Les deux entités forment le même groupe du nom de Baskiona-Alavés et les revenus que gagne l’équipe de football dans la première division espagnole, apportent un soutien non négligeable à celle du basket-ball.

Josean Kerejeta, Baskonia-Alavés
Alavés est sous le giron de la famille Kerejeta depuis 2011 et l’ancien basketteur, José Antonio Kerejeta aurait mal digéré une relégation des albiazuls pour le business du Baskonia. (Crédit image : Marca)

De ce fait, avant le déplacement à Valladolid (34e journée), Kerejeta, le patron de cette organisation, n’a pas hésité à fustiger l’attitude de ses joueurs et l’incapacité de l’entraîneur à remédier à la situation. Ainsi, la défaite au Zorrilla a scellé le sort du technicien de Bergara. Alavés venait d’enchaîner un cinquième revers de suite, dont une cinglante défaite au Balaidos (6-0) face à une équipe du Celta, qui elle aussi, cherchait le salut.

Cependant, ce n’est pas seulement cette séquence horrible qui a condamné Garitano. Ses méthodes n’ont jamais été au goût des fans albiazuls, sa tendance conservatrice a coûté beaucoup de points à Alavés et même certains joueurs, comme Aleix Vidal, lui ont ouvertement reproché cette frilosité.

« Ils avaient un joueur en moins, nous aurions dû avoir plus de joueurs offensifs », avait lâché le Catalan le 5 janvier dernier lors du match contre le Real Betis. Une critique ouverte pour son entraîneur qui, après l’expulsion de Zouhair Feddal, avait décidé de le sortir pour faire rentrer un milieu à vocation plus défensive alors que le score était d’un but partout, à dix minutes de la fin.

« Mettre plus de joueurs offensifs est difficile. On devait être un peu prudent, il est important de savoir où vous êtes, quelle équipe vous avez et quelle est votre objectif. Si vous l’oubliez, cela peut vous coûter cher », avait répondu le technicien. Vidal n’est pas surement le joueur le plus exemplaire du vestiaire, mais cette réponse en dit long sur la philosophie de Garitano durant cette campagne. Il a donné l’impression de ne pas vouloir forcer le destin malgré les deux machines à but qu’il avait devant.

Toutefois, la décadence d’Alavés ne peut se résumer uniquement au manque d’ambition de son entraîneur, malgré les prestations de haut niveau de ses deux meilleurs buteurs. Derrière eux, il manquait des joueurs capables de se transcender et de tirer l’équipe vers le haut.

Joselu et Pérez, les références

Avec trente-quatre buts marqués, Alavés a été l’une des mauvaises attaques de LaLiga. Seuls l’Espanyol (vingt-sept), Leganés (trente) et le Real Valladolid (trente-deux) ont fait pire. Et pourtant, la formation gazteiztarra possédait deux buteurs que toute équipe de son niveau aimerait avoir.

Lucas Pérez et Joselu Mato ont largement contribué au maintien de l’équipe avec un total de vingt-deux pions plantés, onze chacun, avec des profils différents. Joselu est plus à l’aise dans le jeu aérien tandis que Lucas offrait plus de mobilité dans la surface avec une meilleure vision de jeu. Un duo qui se complétait parfaitement et qui a permis à Alavés de récolter le maximum de points possible pour éviter la zone rouge.

Lucas pérez et Joselu, Alavés
Goleadores. Pérez et Joselu ont été les seules satisfactions d’Alavés cette saison. (Crédit image : Diario AS)

Si les autres joueurs à vocation offensive, comme Aleix Vidal ou Oliver Burke, étaient mieux inspirés, le parcours aurait été plus facile. Mais le trentenaire prêté par Sevilla, titulaire indiscutable sur le côté droit, n’aura pas pesé à la finition, deux buts marqués, et son comportement dans la trame finale a été plus que douteux.

L’Écossais, quant à lui, n’a pas réussi à s’imposer sur le flanc gauche et a souvent laissé le poste à Luis Rioja, qui a subi le coup de l’adaptation en Liga. Ses efforts pour aider la défense ont été louables, mais en attaque, sa contribution a été faible.

Borja Sáinz et Edgar Méndez ont également tenté de tenir le rôle, mais personne n’a réussi à s’y installer. La défaillance dans ce couloir a été souvent compensée par un Lucas Pérez qui préférait dézoner pour y apporter plus de danger.

Au milieu, Pere Pons était l’option préférée de Garitano pour rafraîchir l’équipe après la longue blessure de Tomás Pina et le départ de Mubarak Wakaso pour le club chinois du Jiangsu Suning en janvier. Sans doute, un meilleur projet sportif l’attendait là-bas.

Les arrivées de Ljubomir Fejsa (Benfica) et de Víctor Camarasa (Real Betis) ont relégué l’ancien de Girona sur le banc, mais le rendement ne s’était pas pour autant amélioré, même si Garitano espérait apporter plus de fluidité dans la circulation du ballon avec le Betico.

Lisandro Magallán, Ajax, Alavés
Prêté par l’Ajax Amsterdam, Lisandro Magallán avait l’occasion de jouer dans une ligue de meilleur niveau, mais ses performances ont été décevantes. (Crédit image : El Intra)

En défense, c’était la catastrophe, surtout dans le sprint final. Vingt-deux buts concédés en onze matchs, dont la moitié en deux matchs seulement (Celta, 6-0 et Barcelona, 0-5). Une fébrilité qui a porté à cinquante-neuf, le nombre de buts encaissés durant toute la campagne, la pire statistique depuis le retour en Liga.

Víctor Laguardia a été le taulier bien que ses performances aient été à un niveau nettement inférieur que lors des saisons précédentes. À côté de lui Rodrigo Ely a vécu une saison dans l’ombre et dans la lumière.

Il a tout de même marqué deux buts importants qui ont apporté des victoires (Athletic 2-1, journée 25 et le Real Betis 1-2, journée 37) mais qui n’ont pas masqué son manque de sécurité et d’autorité. Toujours au niveau de la charnière, le prêt de Lisandro Mágallan n’a pas été aussi une totale réussite.

L’Argentin, cédé par l’Ajax, a été assez irrégulier dans ses performances. Il a réalisé quelques bons matchs, mais aussi, de nombreuses erreurs. Il a été en dessous des deux titulaires et n’a jamais été capable de prendre définitivement la place d’Ely.

Par ailleurs, la vente de Guillermo Maripán à Monaco a beaucoup pesé sur les prestations défensives de la formation d’Álava. Un vide que Ximo Navarro ou encore Rubén Duarte ont peiné à combler.

Un parcours chaotique avec beaucoup de tensions

Durant ses trois précédentes campagnes, Alavés avait montré qu’il était plus qu’un candidat au maintien, comme peuvent l’être certaines équipes, dont la survie dans l’élite tient souvent à un fil. En 2016/17, l’année du retour dans la meilleure liga du monde, il avait réussi à se sauver avec brio et avait disputé la finale de la Copa, deuxième plus grand succès de son histoire.

À LIRE : Le bilan de la saison du Real Betis

La saison suivante, après un début horrible, l’arrivée d’Abelardo en décembre lui a permis de se relancer et de valider le maintien avec facilité. L’année dernière, le parcours durant la première moitié du championnat a été excellent. Cette saison, l’équipe a presque toujours navigué entre la zone tempérée et la limite de la zone rouge, oscillant entre la 11e et la 17e place.

Malgré le fait qu’elle n’a jamais occupé les places interdites, la campagne n’a pas été un long fleuve tranquille. Avant la suspension du championnat, Asier Garitano avait déjà connu deux moments très compliqués qui avaient déjà mis un prix sur sa tête.

Le premier, peu de temps après un début de saison encourageant, quand, à la sixième journée, l’équipe venait de s’incliner 2-0 à San Mamés, après avoir concédé un 3-0 face à la Real Sociedad. Toutefois la victoire immédiate, trois jours plus tard, contre Mallorca (2-0) et les quelques solides prestations au Mendizorroza (sept victoires, six nuls et six défaites) ont chassé les fantômes.

Real Jaén vs Deportivo Alavés, Copa del Rey 2019/2020
Le nouveau format de la Copa a fait des ravages et Alavés a été l’une des première victoire, éliminé sans gloire à Jaén (Crédit image : Marca)

Cependant, tout ce que l’équipe faisait de bien devant son public, était transformé en déchet à l’extérieur, où elle a subi treize de ses dix-neuf défaites. En décembre, est alors arrivée une deuxième traversée du désert avec seulement deux points pris en cinq matchs et une piteuse élimination en Copa contre le Real Jaén (3-1), une équipe de quatrième division.

La seconde partie du championnat a été un peu mieux, ce qui donnait l’espoir d’un maintien un moins compliqué. Alavés est arrivé au confinement avec trente-deux points. Faible, mais rassurant, vu que la zone rouge était à sept unités, ce qui donnait le sentiment que le salut est déjà dans la poche.

L’émotion du capitaine Manu García après la victoire contre le Real Betis, synonyme de maintien.

Cependant, tout a basculé de manière tellement rapide que personne ne s’y attendait. D’abord durant la pause, les négociations étaient difficiles pour la réduction des salaires. Ce qui s’ajoute au stress déjà provoqué par la situation atypique causée par la pandémie.

Le confinement a étouffé le vestiaire au point qu’au retour à la compétition, il est devenu une caricature de lui-même. Sans le niveau physique nécessaire, sans le temps de bien préparer les matchs, la débâcle était quasiment déjà écrite.

Une victoire dans le derby contre la Real Sociedad qui souffrait des mêmes maux, puis l’hécatombe. La défaite à Valladolid a signé le testament de Garitano, et la nomination de López Muñiz pour les quatre derniers matchs a finalement servi à faire réagir l’équipe, totalement coulée.

Quatre points pris, un à Getafe et trois contre le Real Betis, ont permis d’atténuer la chute brutale et de sauver la place dans l’élite. Le dernier match contre le Barça, qui s’est terminé sur un humiliant 0-5, après une pauvre première période, a été le reflet d’une équipe qui, après avoir perdu son caractère compétitif, a clôturé la saison comme une âme en peine.